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L'ARPH remercie Annie BAGEIN-DECLERCQ pour la rédaction de cet historique, nous sommes intéressés par tout autre-+ renseignement, document ou photo.

                             Dans les années 40, les réalisations sociales au sein du Mouvement Populaire des Familles (MPF) ont foisonné. Il s'agissait alors de répondre à des besoins pressants des familles populaires. Il s'agissait également de manifester, en rupture avec des organismes préexistants, la capacité des militants ouvriers à gérer les réponses à ces besoins, selon le principe de la JOC, "pour eux, par eux, entre eux". Certaines de ces réalisations ont eu une existence éphémère, d'autres existent encore à l'heure actuelle. ..(Vingt ans de luttes ouvrières et familiales 1940-1960 édité par les cahiers du Groupement pour la Recherche sur les Mouvements Familiaux)

                            A HALLUIN, dés 1942, le MPF avait créé un service d'aide aux mères de famille à domicile qui allait devenir le service de travailleuses familiales : A P A F, (Aide Populaire de l'Aide Familiale) et par la ensuite l’A F A D. C’est au sein de cet organisme que l’aide à domicile aux personnes âgées s’est organisé en 1967 pour devenir en 1972 l’A D A R.

                             Après la guerre, toujours pour répondre aux besoins des familles, les militants ont voulu s'attaquer à ce qui constituait une tâche mobilisant beaucoup de temps et d'énergie pour les ménagères de l'époque : la lessive.

                             Leur choix s'est porté sur la création d'une coopérative de consommateurs : LE LAVOIR FAMILIAL HALLUINOIS.

                             Les statuts furent déposés en 1947 avec pour président : Julien DECLERCQ, secrétaire : Maurice WITDOUCK, commissaires de surveillance : Jean Marie CHOMBEAU et Julien ALARD, membres du Conseil d’administration : Berthe DUTRY épouse WAUQUIER Jean, Abel BATAILLIE, André VEYER, René DEDEINE, Charles DELBERGHE, Dieudonné DUHAMEL, Léon SAINT VENANT, Jeanne SAINT VENANT, Célina VAESEN, directeur : Rémi MONTAGNE.

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                   De gauche à droite: Anna DECLERCQ, son mari Julien DECLERCQ, président du Lavoir Familial,
                   Agnès DUTOIT, Berthe WAUQUIER-DUTRIE, ??,Honoré DUTOIT.

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                             Le lieu d'implantation fut négocié avec le conseil de fabrique de la paroisse sous forme d’un bail emphytéotique Il s'agissait de la bourloire désaffectée du cercle St Charles. Le cercle St Charles (aujourd’hui disparu) était situé au 89, rue Gustave Desmettre. En front à rue, une maison d'habitation avec un couloir central desservant d'un côté le bureau de l'abbé Planckaert, aumônier de la LOC-MPF (ancêtre de l'ACO), de l'autre côté une petite salle de réunion. Puis une petite cour et à la suite la grande salle du cercle utilisée par la paroisse. Au fond, une porte donnait sur la bourloire. Les travaux d’aménagement ouvrirent le local sur la rue de la Paix au numéro 32 bis.

                              C'est en Belgique que fut repéré l'équipement correspondant au projet souhaité, et les machines sont commandées à l'entreprise HEYNSSENS à GAND. S'ensuit une longue bataille administrative, à l'époque les barrières douanières impliquaient une licence d'importation difficile à obtenir pour acheter à l'étranger. Le député de l'époque Maurice SCHUMANN fut mis à contribution pour accélérer le dossier.

                              Un appel financier fut adressé aux adhérents du MPF pour leur proposer de devenir sociétaires par l’achat de 4 actions prévues dans les statuts. L’achat du matériel nécessitera un financement supplémentaire et un prêt de 3 millions est demandé auprès de la CAF de Rx-Tg. En complément des prêts de 50 à 200 Frs furent consentis par 200 particuliers.

                              Les administrateurs, se mirent au travail bénévolement le soir et le week-end pour aménager le site, certains de leurs enfants se souviennent y avoir même participé pendant leurs vacances. L'abbé PLANCKAERT troquant sa soutane contre un bleu de travail n'était pas des moins actifs.

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L'abbé PLANCKAERT au Congrès Eucharistique de 1956.

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                     Facéties de deux responsables du Lavoir Familial :Honoré DUTOIT et Maurice WITDOUCK qui se sont déguisés en prêtres pour rendre visite à l'abbé Planckaert.

                             Dans l'entrée, on trouvait à droite, dans une fosse, la chaudière et un adoucisseur d'eau, à gauche des rayonnages pour y stocker les paniers de linge. Une porte à double battant ouvrait ensuite sur le lavoir, avec sur la gauche : la balance pour peser les paniers, puis un bureau entièrement vitré avec des rayonnages portant des produits de lessive, une armoire, une tablette d'écriture, un guichet. Il n'y a jamais eu le téléphone, mais on pouvait disposer de celui de l'abbé PLANCKERT en traversant l'ensemble de l'immeuble par la petite porte jusqu'à son bureau. Dans l'espace ouvert, 2 essoreuses, au fond la machine à laver automatique. Sur la droite 6 cabines équipées chacune d'une machine à laver, d’un grand évier en ciment, d'un tabouret, d'un panier d'osier à roulettes, d'un seau galvanisé. Au fond, toujours à droite, le séchoir.

                            A l'ouverture, 2 machines pouvant laver 15 kgs de linge, 2 de 20 kgs, 1 de 30 kgs étaient installées. Mais très vite, devant l'accroissement de la clientèle il a fallu ajouter l machine de 30 kgs et la machine automatique de 35 kgs, cette dernière étant de fabrication française. De forme cylindrique horizontale, elles étaient divisées en 2 compartiments, l pour le blanc, l'autre plus petit pour la couleur (souvent des bleus de travail), une vanne amenait l'eau froide et une autre un jet de vapeur pour chauffer l'eau. Une gouttière en façade permettait d'évacuer le trop plein d'eau. Il arrivait assez souvent qu’une cliente oublie de fermer l’arrivée d’eau. La gouttière débordait, ce qui devenait d'autant plus grave face à une eau bouillante. Les brûlures étaient fréquentes, une provision de Tulle gras Lumière était toujours disponible au bureau pour les soigner.

                            Le séchoir avait la forme d'une armoire haute et profonde composé de plusieurs tiroirs verticaux. Le tiroir tiré de toute la profondeur, était composé de barres horizontales sur lesquelles le linge était posé à cheval.2 essoreuses centrifuges complétaient le gros équipement, fixées au sol, elles faisaient un bruit d'enfer quand le linge était mal équilibré à l'intérieur. Elles étaient dangereuses à manipuler et seuls les ouvriers pouvaient les actionner.

                           La lumière était largement apportée par le plafond vitré assez haut ce qui compensait en partie le manque d'aération. Les toilettes en particulier étaient fortement odorantes.

                           Au début, les clients venaient à pied en portant leur "banse" (minimum 15 kgs à l'arrivée, bien plus lourd au départ quand le linge était mouillé) souvent à deux chacun tenant une anse. Très vite s'imposa l'achat d'une camionnette et l'embauche d'un chauffeur-livreur chargé d'enlever et de livrer les paniers à domicile.

• Dés l'arrivée au Lavoir, le panier de linge de la cliente était pesé et une cabine lui étant attribuée, elle se rendait ensuite au guichet pour acheter ses produits. La lessive comportait plusieurs étapes :
• Un premier bain au savon noir enduit sur le linge en particulier sur les parties les plus souillées, du phosphate, acheté en vrac par le lavoir et conditionné en paquets de récupération était ajouté à l'eau.
• Un second bain au savon blanc, le plus souvent du Sunlight (prononcé sainlich). Une grosse râpe électrique était mise à disposition pour le réduire en copeaux. On y joignait un paquet de poudre, Persil ou Omo…
• Deux à trois rinçages et le dernier avec de l'eau de Javel pour le blanc, du bleu pour les vêtements de travail.
• Amidonnage pour terminer.

                              Les produits, y compris l'amidon, étaient dissous dans un seau d'eau galvanisé d'eau froide
portée à ébullition par un jet de vapeur (un tuyau était à disposition) et versés par la gouttière dans la machine.
La lessive terminée et la machine vidangée, le linge dégoulinant était transporté jusqu'à l'essoreuse ou il fallait attendre son tour pour le récupérer fortement essoré, presque sec.
Il restait alors à le plier soigneusement avant de le faire emporter.

                              L'ensemble de l'opération durait deux heures. On passait ensuite au guichet pour payer et prendre un ou plusieurs rendez-vous pour les prochaines lessives, espacées d'une semaine, d'une quinzaine, ou d'un mois selon la composition familiale. Le lundi, jour traditionnel de la lessive était très demandé, le vendredi, jour du nettoyage de la maison beaucoup moins. Les femmes qui travaillaient venaient le soir ou le samedi matin. Une journée complète représentait 49 lessives en 7 équipes pour 7 machines, de 7h à 21 h.

                              Le séchoir était peu utilisé, plutôt pour les draps, assez grossiers en coton ou en métis, plus rares, car plus coûteux en lin. Les textiles synthétiques absents à cette période, firent leur apparition progressivement. Le séchage durait 2 heures et le linge sortait raide comme du carton. Les ménagères préféraient de beaucoup faire sécher leur linge au jardin, au risque certains jours quand le vent rabattait la fumée des nombreuses usines, de le retrouver marqué de milliers de petits points de suie. L'hiver c 'était le séchage dans la maison, sur des cordes tendues au dessus de la cuisinière ou contre le mur mitoyen tout chaud du feu du voisin. Il n'y avait pas de salle de bains dans les maisons ouvrières de l'époque.

                               Le personnel comportait 6 salariés : 1 directeur :Rémi MONTAGNE, 3 chauffeurs de chaudière :Dieudonné DUHAMEL,Omer SEYS,Honoré DUTHOIT, 1 chauffeur de camionnette : Adolphe BENODT, l employée de bureau : Annie DECLERCQ.

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Un départ pour Wahagnies à la rencontre de l'abbé PLANCKAERT

à l'extrême gauche, Maurice Witdouck

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                   On reconnait: à gauche, Solange DESCAMPS au 2ème rang,Maurice WITDOUCK au 4ème rang
                                          à droite, Jeanne SAINT VENANT au 2ème rang

7252Excursion à WIMY (?) pour des adhérents du Lavoir Familial
Parmi le groupe:André Gévaert, Marie-Louise Gévaert, Honoré Dutoit,
Agnés Dutoit, Julien Declercq, Anna Declercq, Jules  Allard et Agnés Allard.



 

                               Quelques femmes du quartier étaient très présentes au Lavoir : Gabrielle, Estelle, Antoinette, Germaine et quelques autres…elles rendaient service, moyennant une petite indemnité, aux clientes qui leur confiaient leur lessive. Elles apportaient une note de féminité auprès du personnel masculin, les rudoyant parfois, se permettant d'utiliser l'essoreuse pour aller plus vite, offrant une tasse de café. Quand une cliente manquait son rendez-vous elles étaient tout de suite disponibles pour combler le "trou". Estelle avait une jolie voix et les airs d'opérette repris en chœur s’échappaient des cabines.

                               Une fois l'an, se tenait l'Assemblée générale, traditionnellement le Lundi de Pâques à 11 h, au Cinéma Le Familial, tous les actionnaires y étaient invités. La salle était comble, la tombola permettant de gagner des lessives gratuites, expliquait en partie cette affluence.

                                Le président présentait le rapport d'activité et les comptes de l'année écoulée. Pendant plusieurs années, le résultat excédentaire fut redistribué aux actionnaires sous forme de ristournes selon le caractère juridique des coopératives de consommateurs.

                                L'atmosphère humide du Lavoir ne permettait pas d'y garder des documents. C'est au domicile du Président, la pièce du devant avait été aménagée en bureau, que s'effectuait les écritures.
Pas de calculatrice à l'époque, encore moins d'ordinateur, seule une machine à écrire "Underwood" datant d'avant la guerre, achetée d'occasion chez Henri Beils, constituait le seul matériel de bureau. Cette machine, d'une robustesse à toute épreuve, a encore servi à partir de 1967, lors de la création de l'ADAR, mais ceci est une autre histoire.

                                Le montant des ristournes pour chaque actionnaire, était proportionnel au nombre de kilos de linge lavé dans l'année. Chaque lessive donnait lieu à une facture détaillée remise au client, un double carboné servait ensuite au calcul du chiffre d'affaires. Les doubles étaient ensuite classés selon le numéro du client actionnaire et reportés sur des comptes individuels. Environ 10 000 fiches par an, étaient ainsi reportés sur 900 comptes. La récapitulation des totaux des comptes clients devait théoriquement correspondre au montant de chiffre d'affaire, ce qui tenait du miracle et ne s'est jamais produit.

                                Aujourd'hui, alors qu'un équipement informatique permet de résoudre en un minimum de temps et de manière exacte ce type de procédure, on imagine mal ce travail de bureau long et fastidieux de classement et d'additions de colonnes de chiffres.

                                 La comptabilité, supervisée par le Président, était tenue réglementairement selon le plan comptable de l'époque. En 1956, elle a été soumise à un contrôle fiscal. Un inspecteur polyvalent, fonctionnaire des impôts.se présenta et consacra trois jours à cette mission. Relativement méfiant les deux premiers jours, une coopérative ouvrière, tenue par un comptable non diplômé ! il avait l'air de s'attendre au pire. Pendant 2 jours, comptes et pièces justificatives furent soigneusement épluchés. Hormis quelques petites erreurs aussitôt rectifiées, il félicita le Président et l'employée pour la bonne tenue des comptes et passa le 3ème jour à discuter placements et cours de la Bourse : Julien Declercq était employé à la Banque Scalbert au service "Titres".

                                 Au début des années 60, l’activité diminua progressivement. Le lavoir subit la concurrence des petites machines à laver individuelles qui avaient fait leur apparition. Les textiles synthétiques plus légers et lavables à la main modifia également profondément l’entretien du linge.

                                 La dernière assemblée générale, le 23 mai 1964, fait état d’un état d’un déficit de l’exercice 1963. L’activité se poursuivra au ralenti jusqu’en 1968 pour s’interrompre définitivement.
                                 Pendant plusieurs années encore, le Président rechercha scrupuleusement les derniers actionnaires afin de leur rembourser leurs actions.

                                 La brièveté de l’existence, 20 ans, du Lavoir illustre en contrepartie le développement rapide des technologies de l’époque. Il démontre la capacité des militants halluinois du MPF de s’organiser pour répondre aux besoins des familles en cette période d’après-guerre.

                                 Le Mouvement Populaire des Familles (MPF) figure dans l’arbre généalogique de Consommation Logement et Cadre de Vie (CLCV)

                                                                                                   Annie BAGEIN

 

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Commentaires facebook :

Magnifique !!! Merci pour cette documentation extraordinaire ! Heureux d'apprendre qu'il existait une 2° bourloire .
Superbe historique :je reconnais là le coup de plume d'Annie bravo et merci !
Souvenir..
Que de souvenirs concernant le Lavoir Familial ! Petite, il m'arrivait d'accompagner l'une ou l'autre de mes grands mères : Gabrielle Herranz, Estelle Chombeau. J'adorais y aller, je pouvais patauger dans l'eau, j'étais impressionnée par la mousse !!... Les grandes machines à laver ! ... La vapeur, la chaleur...??????. Merci pour ce documentaire et photos