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03655

Le groupe des FFI - FTP d'Halluin. 

Le 16 septembre 1944, tous les Halluinois,

 ayant pris part aux combats de la Libération,

se rassemblent dans les jardins de l'Union Patronale,

 pour une unique photo.

 (photo n° 3655)BD11918

La libération d’Halluin - Septembre 1944 :

Témoignages de FFI ou de FTP,

 extraits d’articles ou de livres :

sur le film des évènements, du 2 au 5 septembre 1944.

Récit  intégral publié dans la presse locale en  septembre 1984 :

 

"Dans cette enquête, nous avons cherché à diversifier les sources au maximum, car il n’y a pas une grande Histoire toute simple mais plutôt de petites histoires parcellaires qui finissent par former un tout dans la mémoire collective.

 

Cette page n’a bien entendu pas la prétention de raconter ce tout, nous espérons simplement donner un coup d’éclairage sur cette période particulièrement chaude de l’histoire halluinoise, à l’intention de ceux qui l’ont vécue mais aussi bien sûr de ceux qui la découvriront.

 

Dans le courant de cette enquête, nous avons reçu l’aide ou le témoignage de nombreux habitants d’Halluin et de la Vallée de de la Lys, soit qu’ils aient accepté de témoigner, soit qu’ils aient voulu nous confier des documents ô combien précieux.

Qu’ils en soient ici vivement remerciés. Citons notamment pour Halluin : MM. Gérard Degavre, Albert Desmedt, Alfred Simono… ".

  

 « Les combats à Halluin, à la Libération, il y en a eu un peu partout : à la douane, au cimetière, au Labyrinthe. FTP, FFI, W.O se sont battus, souvent séparément, ont eu des tués. Cela a duré plusieurs jours. Et nous sommes nombreux à en avoir vécu… un petit morceau. Il est donc très difficile de se faire une idée globale de tout ce qui a pu se passer ».

 L’ homme qui parle s’appelle Alfred Simono. En septembre 1944, il était le chef des « Francs-Tireurs-Partisans » halluinois.

 

Son corps franc a participé directement à plusieurs actions de harcèlement sur les colonnes allemandes qui se repliaient via Halluin. Mais, comme beaucoup d’anciens résistants M. Simono ne parle de cette période agitée de sa vie qu’avec certaines réticences.

Non qu’il en ait gardé un mauvais souvenir, au contraire. Le sentiment de participer à quelque chose d’historique et d’exaltant contrebalance, quarante ans après, la peine ressentie à la pensée des camarades tombés au combat.

 

Et M. Simono en a vu quelques-uns disparaître sous les coups des nazis, lui dont le cousin Maurice a été froidement abattu au carrefour du Labyrinthe, en compagnie de Jean Fiévet et Jules Devos le 2 septembre 1044, lui qui a ramassé, dans le caniveau de la rue de Lille face à l’actuelle poste, le corps d’Arthur Dennetière otage halluinois « supprimé » par des SS à l’issue d’une escarmouche.

Lui  qui a connu personnellement Marthe Nollet, Polydore Delaere ou Michel Danset, autant d’Halluinois qui ont payé de leur vie la volonté populaire de ne pas laisser l’occupant se replier paisiblement sur des positions plus « confortables ».

 

Alors au moment de raconter, Alfred Simono préfère laisser la parole à un journal de l’époque, qu’il nous a sorti de ses archives personnelles et qu’il nous confie avec de bien compréhensibles recommandations.

On y lira ci-contre le récit très militaire de ces journées de septembre et le rôle des FTP, en gardant sans cesse en mémoire l’idée qu’il ne s’agit là que d’une vision fragmentaire, quoique précise, des évènements.

 

En revanche la mémoire d’Alfred Simono se fait accueillante le temps d’une anecdote fulgurante, à l’image de ces journées où le cours du temps a paru s’accélérer après les lourdes années de l’Occupation :

« Pour nous FTP, l’action de Libération d’Halluin a commencé le samedi 2 septembre avec la prise du commissariat de police, qui s’est passée sans problème car nous avions des gens dans la place… Même chose à la gendarmerie, puis nous nous installons au carrefour de la rue de Lille et de l’actuelle rue Marthe Nollet.

 

Le dimanche, une puissante colonne allemande motorisée s’amène en force. Nous n’étions guère nombreux, car divisés en quatre groupes aux quatre coins de la ville, et surtout nous étions encore à ce moment-là très insuffisamment armés. Inutile dans ces conditions d’engager un combat qui n’aurait servi qu’à nous faire massacrer. Mais nous n’avions pas le temps de finasser car ils nous avaient vus !

 

Ce sont des sœurs qui habitaient l’appartement situé au-dessus de chez Robert Degryse qui nous ont permis de nous enfuir. Elles nous ont fait passer par derrière et nous nous sommes retrouvés dans les jardins ».

 

« Nous continuons notre progression via l’arrière du commissariat de police, et nous nous retrouvons dans l’actuel bâtiment des Prud’hommes. Là, dans une salle une grande table était mise, assiettes et couverts. Et dans chaque assiette, un magnifique pigeon rôti !

Les Allemands qui occupaient l’endroit avaient dû s’enfuir sans demander leur reste, en laissant tout en plan.

 

 Nous sortions, faut-il le rappeler, de quatre années d’occupation qui n’avaient pas toujours été roses… Nous ne savions pas depuis combien de temps les pigeons étaient là, mais je peux vous dire que j’en ai piqué un au passage et que, tout en fuyant, je lui ai fait son affaire ! ». 

 

Par la grâce d’une religieuse…

 

En 1992, M. Michel Demeyer qui, membre de la police nationale, a été un des acteurs de cette « affaire du couvent » et a reçu la médaille de la Ville, la même année, raconte :

« En tant  que responsable du commissariat, j’avais pris mon service à 13 h 30 au lieu de 14 h, afin d’être présent sur les lieux, ayant été informé que l’attaque contre les troupes allemandes se repliant sur la Belgique se déclencherait à l’heure H (13 h 30).

 

Effectivement, le commissariat composé de quelques éléments sous mon commandement a été envahi par les résistants, dont M. Vandekerckhove, faisant son entrée avec un landau d’ enfant chargé d’armes et mon personnel a été mis à sa disposition.

 

Après bris de vitre et coupure de téléphone, d’autres Allemands en déroute ont essayé en vain de pénétrer au commissariat. Avec mes collègues MM Seynave, Brochard et Geerlandt ainsi qu’un soldat allemand dont j’avais la garde, nous avons franchi plusieurs murs de séparation pour trouver refuge au couvent, actuellement le magasin « Lysgaine ».

La mère supérieure, interpellée quelques minutes plus tard par un solda allemand armé et casqué au sujet de la présence de terroristes, a répondu par la négative.

 Le soldat a alors quitté les lieux sans nous avoir aperçu.

 

 Je rends ici hommage à cette religieuse » conclut M. Demeyere, qui par son mensonge et son courage, a sauvé la vie des soldats sans uniforme ».

 Le 4 Juin 1949 était inauguré une plaque commémorative, sur la façade du couvent (qui deviendra par la suite la maison de M. Degryse).

 

A propos de cette plaque, M. Michel Demeyer demandait d’ailleurs au maire le 28 février 1992, « de donner une place d’honneur à ce souvenir qui fait partie de l’histoire de notre ville ».

Satisfaction lui sera rendue, puisque profitant des transformations du magasin « Lysgaine », les services municipaux ont retiré la plaque de la façade pour la nettoyer. Avant de la remettre en place, comme neuve.

 

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Pour le reste, M. Simono admet que, si les résistants actifs n’étaient pas très nombreux pendant la guerre (« mon groupe franc comprenait exactement quinze gars »), les sympathisants eux, l’étaient beaucoup plus et furent souvent là pour donner un coup de main dans ces premières journées de septembre, certains le payant même de leur vie.

 

Tous ceux qui s’étaient battus furent d’ailleurs à la mi-septembre incorporés au 43e Régiment d’Infanterie, 4e corps 3e bataillon. Auparavant, tous ces Halluinois s’étaient rassemblés dans le jardin de l’actuelle Union Patronale, rue de Lille, pour une étonnante « photo de groupe ».

 

Quant à l’action du « corps Simono », on est prié de se reporter au récit de guerre publié dans cette même page. « ça, vous le raconterez bien mieux que moi,  conclut M. Simono. Vous savez, tout ce que je viens de vous dire, j’en parle très rarement, je ne sais même pas si ma propre femme est au courant… ».  

 

Voici le film des évènements du 2 au 5 septembre côté « FTP » tel que le retraçait le journal « Liberté » dans ses éditions de septembre 1945. 

 

Samedi 2 septembre (suite)

Les Allemands partis avec les otages ne relâcheront ces derniers qu’à Wevelghem.

 

L’accalmie qui suit est mise à profit pour installer provisoirement le poste de commandement du café du « Lion d’Or » place de l’Eglise et pour s’organiser pour la nuit. Quatre groupes sont formés. L’un prendra position au monument aux Morts, un second à l’usine Lemaitre, un troisième au Consortium, enfin le dernier au carrefour de l’Eglise. La nuit est assez calme.

 

Le dimanche 3 septembre

Est une journée relativement calme. une colonne d’infanterie allemande, interceptée à son passage, enregistre 4 morts dont un officier. Deux fusils sont capturés.

Un peu plus tard, une voiture de passage essuie également les coups de feu des F.F.I., les occupants sont blessés ou tués.

A Menin (B), les Allemands s’étant retirés, les A.B. emprisonnent toutes les chemises noires, au beffroi de la ville. Vers 21 h. des Allemands étant signalés dans le bois Gratry un détachement est envoyé garder le pont de chemin de fer sous la direction du sous-lieutenant F.T.P. Alfred Simono. Quelques engagements ont lieu.

 

Le lundi 4 septembre 

Vers minuit, quatre Allemands sont faits prisonniers au mont d’Halluin.

 Vers 17 h 39 une colonne de 60 SS avec voitures hippomobiles venant de Bousbecque se dirige vers Halluin appuyée par un char « Tigre ». Afin d’éviter que les F.F.I. placés en 1ère ligne aux Baraques soient pris par derrière, ordre est donné de se replier sur la France.

 

Quand les boches arrivent à Halluin nous constatons qu’ils ont placé devant eux quatre F.F.I., qui marchent les bras en l’air.

 Au moment où la colonne va entrer en Belgique, le groupe Le Dily attaque. Trois F.F.I. sont délivrés dont un blessé à l’épaule, le 4e est malheureusement fusillé à bout portant par un officier teuton. Les Allemands enregistrent trois morts dont un officier. Deux fusils deux chevaux et deux voitures sont saisis, la colonne s’égaille dans le bois Gratry. Le groupe Simono et de Dily combat dans la rue d’Ypres et au passage à niveau. Résultat : un camion est mis hors d’usage du côté ennemi, plusieurs blessés de notre côté. Prise de quelques armes et minuit arrive sans nouveaux incidents.

 

Le mardi 5 septembre 1944

Les Allemands conte attaquent à Menin (B). Avec trois chars « Tigre », ils reprennent la ville, libèrent toutes les chemises noires, puis descendent vers Halluin. Ils passent le pont de la Lys, mais doivent s’arrêter à 50 mètres de la rivière devant le feu des A.B. et des F.F.I.

 

Le corps franc Simono est aussitôt envoyé en renfort. L’infanterie allemande tente d’avancer par les toits mais vainement. Une contre attaque F.F.I. porte les nôtres jusqu’à hauteur de la rue de Mouscron.

 

Le feu cesse. Simono chef du corps franc se découvre et se met au milieu de la route. En langue allemande il invite les Boches à se rendre, un char Tigre stationne à 150 mètres, le danger est grand. Un Allemand s’avance à 100 mètres, armé d’un fusil, une dizaine d’autres se joignent à lui.

Le chef de groupe F.F.I. invite le chef allemand de se rendre, celui-ci se récrie. Il prend les F.F.I. pour des bandits qui exécutent les prisonniers. Le Tigre, soudain s’avance, mais ne peut rien faire pour l’instant, Allemands et Français sont mêlés. 

 

Les F.F.I. dans l’Eglise.

C’est une étonnante histoire que nous a racontée M. Gérard Degavre, qui demeurait rue Léon Blum et faisait partie en septembre 1944 des FFI halluinois, groupe Simono (il s’agit cette fois-ci de Maurice). Il a vécu lui aussi la fameuse journée du lundi 4 septembre…

 

« Nous avions reçu comme instruction de nous installer à l’église Saint-Hilaire, et de tenir la place sous le feu de notre fusil-mitrailleur. Déjà, en m’y rendant, je suis tombé rue Arthur Houte sur une automitrailleuse allemande qui a essayé de m’aligner mais m’a loupé…

A l’église on était quatre, avec Bogaert, Tomme, Jean Louf et moi. C’est Bogaert qui avait le FM. On était monté au premier, et on avait cassé un carreau de la rosace pour pouvoir tirer.

 

On a d’abord abattu un soldat allemand isolé, mais il n’était pas mort car il s’est caché et on ne l’a pas retrouvé ensuite. Et puis juste après, voilà un char Tigre qui se pointe ! Bogaert veut tirer dessus, mais je lui dis qu’avec un « FM » ce n’est vraiment pas la peine…

Lui nous avait repéré et il commence à tirer en direction du clocher. Alors on est descendu en vitesse avec le FM et on s’est sauvé par la petite porte, à gauche du perron. Le char est reparti en direction de la frontière ».

 

Via la rue Gustave Desmettre et la ruelle Gontier, un véritable périple conduira alors Gérard Degavre et ses camarades jusqu’à la douane, rue de la Lys.

 

« Là, on a vu les corps d’Albert Desmedt et de Léon Six qui venaient juste d’être abattus. Avec Louis Hermann, Nolf et d’autres FFI qu’on avait retrouvés là, on s’est lancé à la poursuite des Allemands de la colonne qui se sont réfugiés dans le Bois Gratry. Ils ont trouvé un petit sentier qui les a menés jusqu’au pont de Menin où ceux qui restaient ont pu franchir la Lys.

 

Je me souviens très bien que leur lieutenant, un jeune « SS » de 25-26 ans, s’est retrouvé vers nous et a crié : « On reviendra avec des armes nouvelles ! ».

Gérard Degavre reste un instant pensif et conclut : « On ne l’a jamais revu… ». 

 

Quelques livres parlent de la Libération d’Halluin.

 

Cela paraîtra sans doute étonnant aux nombreux férus d’histoire que compte la commune, mais il existe en fin de compte peu d’ouvrages consacrés directement à la Libération d’Halluin et de la Vallée de la Lys.

 Nous avons cependant retrouvé deux livres où l’on évoque dans de brefs passages les évènements survenus à Halluin les 2 et 3 septembre 1944. On verra d’ailleurs que l’un d’en eux concerne directement… le journal de Roubaix.

 

Voici d’abord un extrait de « Tragédies en Flandres : 1940-1944 », ouvrage de Mgr L. Detrez et Albert Chatelle paru en 1953 :

 

Mai 1940

Dans la région lilloise comme ailleurs, règnent la méfiance et la suspicion ; elles deviennent une sorte de fléau : l’espionnisme ; « En tout individu plus ou moins étrange on croit découvrir un traître ou un espion ».

 

Les Britanniques eux-mêmes subissent la contagion. A Roncq, le 24 mai, en vue de détruire le pont sur la Lys, ils ont fait évacué les maisons du voisinage et dressé dans la rue de Lille, des barricades destinées à couvrir leur retraite en retardant la marche de l’ennemi.

 

Ils ont à cet effet, réquisitionné dans les quartiers de Roncq et de Menin, quantité de meubles ; ils se sont présentés au café tenu par le coureur cycliste Julien Vervacke lequel a refusé de livrer son mobilier.

 

Mis en défiance par l’attitude du tenancier, les soldats l’arrêtent malgré ses vives protestations, le hissent sur un camion et le conduisent vers Halluin au château de M. et Mme Torris, où se tient un conseil de guerre.

 

Dans le parc, ils lui font mettre pied à terre, lui bandent les yeux et le fusillent sans autre forme de procès.

 

Février 1941

Halluin, Toufflers, Croix, Mouvaux, Bondues, Lannoy, Wattrelos, inaugurent leurs soupes populaires, des services du vestiaire pour distribution de lainages aux nécessiteux, de linge et de draps aux malades.

 

Mai 1944

Dans la nuit du 10 au 11 mai, entre 23 h 30 et minuit 20, les raids anglais recommencent, ravagent à nouveau les agglomérations de Lille, Halluin, Faches-Thumesnil, Fives, Tourcoing, Marcq-en-Baroeul et Ronchin.

  

4 Septembre 1944

Dans les rues d’Halluin, des Allemands exaspérés par les harcèlements des patriotes, lancent contre certains immeubles des grandes explosives et incendiaires ; ils s’emparent de vieillard, de femmes, de jeunes filles, voire d’un prêtre septuagénaire, l’abbé Louis Lemaitre, et les ligotent sur les garde-boue de leurs camions, en guise d’otages de protection, pour ne les délivrer qu’à Wevelghem.

 

A Tourcoing, tandis que les couleurs nationales sont arborées à l’hôtel de ville occupé par les policiers du commandant Denis, les rues Nationale et Winoc-Choquel voient, à la nuit tombante,, s’enfuir les derniers occupants ».

 

Autre extrait, celui-là, de « 1940-1945, même combat dans l’ombre de la lumière » de Henri Duprez, paru en 1979 :

 

« Ce matin du 2 septembre, rencontre avec Jean Catrice qui nous remit des ordres de mission de la part du « commissaire régional de la République ». L’un de ces ordres était ainsi libellé : il es enjoint à « HD » et à 20 hommes de réquisitionner et de protéger les bâtiments et le matériel du « journal de Roubaix » (…) Un groupe de FTP venant de Maubeuge via Halluin voulait également « protéger » le journal de Roubaix ».

 

(NDLR : on voit à travers ce bref extrait que si Halluin fut un lieu de passage pour l’occupant en fuite, il le fut également pour les résistants remontant du bas du département).

 

Rappelons que ce récit intégral a été publié dans la presse locale en septembre 1984.

4/9/2010.

Commentaire : Daniel Delafosse