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Le Monument aux Morts d'Halluin, rue de Lille centre -

Oeuvre du sculpteur Soubricas - il fut inauguré le 20 septembre 1925.

(photo n° 4016)

 

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 Le Monument aux Morts d'Halluin, situé rue de Lille (centre ville).

(Photo DD n° P1220503)

 

La symbolique des Monuments aux Morts, 

Mémoire de la Grande Guerre.

 

Chaque ville, chaque village a son monument aux morts. Pour chaque manifestation patriotique, édiles et population se rassemblent à ses pieds, déposent une gerbe et respectent la minute de silence alors qu’un clairon sonne les notes traditionnelles.

 

Aujourd’hui, cela fait partie de la carte postale traditionnelle de la France. Aux côtés du vin rouge, de la baguette et du béret. Pourtant, il y a 90 ans, lorsque ces premiers monuments ont vu le jour, se réunir devant le Monument aux Morts a une toute autre puissance symbolique. Non seulement il y a les veuves, les orphelins, mais c’est également toute la Nation qui se recueille.

 

En novembre 1998, Annette Becker, professeur d’histoire contemporaine à l’Université de Lille III et auteur de « Les monuments aux morts – Mémoire de la Grande Guerre » expliquait la symbolique ci-dessous :

 

« Les monuments aux morts en général représentent très bien la façon dont la France a vécu la guerre » explique-t-elle. « C’est d’abord un monument de deuil, où l’on retrouve la tristesse d’avoir perdu tant d’hommes. Contrairement au Monument à la guerre (mémorial d’un champ de bataille par exemple), ici on montre que la guerre tue ».

 

« La première chose qui frappe, c’est la rapidité de leur construction. Entre 1918 et 1922, les 36.000 communes de France ont leur monument. Cela montre la rapidité avec laquelle la communauté a voulu continuer de se rappeler. Dans la France exsangue de l’immédiat après-guerre, il s’agissait presque d’un dernier effort de guerre ».

 

« Dans leur immense majorité, ces monuments funéraires sont des cénotaphes, c’est-à-dire de grandes tombes vides, représentés par des obélisques ou des stèles, comme le veut la mode du début du siècle. Mais il est plus souvent beaucoup plus intéressant de voir ce que l’on y a écrit ou gravé. On y trouve de longues listes de noms classés soit alphabétiquement soit par date de la mort : 1914, 1915… Cela montre l’égalité devant la mort ».

 

Pas de riches ou de pauvres, pas d’instituteurs, d’ouvriers. « Ils sont morts en tant qu’enfant de la commune. Ce monument, ce nom est une façon de récupérer, de se réapproprier les enfants de la communauté ». Des enfants certes disparus, mais parce qu’ils ont été appelés à donner leur sang pour une autre communauté, celle de la Nation.

 

Le combattant en posture héroïque

 

« Souvent ces monuments ne portent qu’une simple croix de guerre ou un médaillon représentant un « poilu ». C’était les monuments les moins chers ».

 

Beaucoup de petites communes, après la guerre, ont perdu quelques-uns de leurs hommes parmi les plus jeunes et elles ne peuvent se lancer dans de folles dépenses pour financer un monument aux morts.

 

« Par contre, dans les monuments comportant une sculpture, on peut les classer en trois catégories. Il y a tout d’abord ceux qui montrent le combattant sous toutes ses formes. Le poilu tient, le poilu se bat ou le poilu mort. Mais le poilu est toujours au centre, et il peut être soit  fondu dans le bronze (il a alors été choisi sur un catalogue), soit sculpté dans la pierre. Mais quel que soit le matériau retenu il nous ramène toujours au combattant en posture héroïque.

 

Parfois, le monument montre également des civils. Des femmes, des enfants. Ils sont toujours en pleurs pour montrer le deuil de la communauté vis-à-vis de ses fils disparus. La femme peut être également une allégorie : la Paix, la France, la Commune…

 

Enfin le monument peut porter la sculpture d’un coq. Celui-ci symbolise la France. Marianne est rarement représentée. Elle symbolise la République, et on sait que tous ces soldats sont morts pour elle. Cette symbolique de la Patrie, on la trouve par contre au niveau des inscriptions : « Morts pour la France ».

 

Toute la Nation

 

« Parfois également on peut trouver des gens au travail. Le monument aux morts de Lens, par exemple, montre un mineur, celui d’Arras, une femme qui laboure. Cela montre qu’à l’arrière également on participait à l’effort de guerre.

 

On trouve donc sur les monuments la valeur du combattant, les vertus du travail et de la fidélité (les civils) et la volonté patriotique (le coq). Mais les monuments disent également que les soldats seuls et les civils seuls n’auraient pu l’emporter. Il fallait l’effort de l’ensemble de la Nation.

 

Six monuments pacifistes

 

Et puis il y a aussi beaucoup de monuments atypiques. On en trouve un grand nombre dans notre région. A commencer par celui de la place Rihour, à Lille. La sculpture du haut, montre « La Paix » ; celui du milieu « la Relève », on y voit des soldats épuisés, mais résolus ; enfin celle du bas montre les otages, les civils déportés. Ces trois sculptures ensemble montrent la guerre des Lillois.

 

« Enfin, il existe en France 6 monuments pacifistes. Celui de Gentioux, dans la Creuse, montre un enfant avec son tablier d’écolier. Mais l’enfant tend son poing à la guerre. Et sur le monument est écrit : « Que maudite soit la guerre ».

 

A  Equeurdreville, dans la Manche, on retrouve cette même inscription, mais le monument représente une mère, ses enfants serrés contre elle. Tous sont en pleurs. Six monuments seulement sur 36.000, c’est peu ».

 

Saisissant également est le monument aux morts de Péronne où une femme allongée aux côtés de son fils ou de son mari mort, tend un poing rageur en direction de la guerre.

 

Au Mort-Homme, l’un des hauts lieux de la bataille de Verdun, où des milliers d’hommes sont morts, le squelette d’un poilu sort de sa tombe. Tout un symbole !

 

« Si le monument aux morts est un monument civique, il passe souvent par la sacralisation chrétienne. C’est vrai en Bretagne ou dans les régions à forte tradition chrétienne, mais ça l’est également pour des régions moins croyantes. La femme, comme à Bavay, est alors une véritable « piéta » qui tient son fils mort sur ses genoux », à l’image de la Vierge Marie et du Christ.

 

« Partout où il y a communauté et où il y a eu mort, on appose un monument, une stèle. Même dans la famille où l’on place la photo du disparu à une place centrale de l’habitation, parfois à côté d’un objet qui lui était cher, d’un obus qu’il avait sculpté dans les tranchées. Chacun prend une parcelle du deuil et il se l’approprie ».

11/11/2010.

Commentaire : Annette Becker -Daniel Delafosse