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 Jean Debuf.

Un Palmarès impressionnant.

 (photo n° 258)

 

Jean Debuf, ancien haltérophile Halluinois,

Champion de France - d'Europe - Sélectionné Olympique.

 

Si Jean Debuf est natif de Bousbecque (Nord), ville voisine d’Halluin, il fut aussi, durant son exceptionnelle carrière, licencié au club d’haltérophile halluinois, avant de partir à Lille, puis entraîneur à Comines (Nord). Celui que l’on surnommait le « Hercule de la Vallée de la Lys » a été le grand monsieur de l’haltérophilie française de 1948 à 1960.

 

Son palmarès est impressionnant :

 

- Quinze titres de champion de France. 

- Deux médailles d’or aux Jeux méditerranéens (1951, 1955). 

- Trois victoires aux championnats d’Europe, catégorie mi-lourds, (1949, 1951, 1956). 

- Trois sélections aux championnats du Monde ( 2ème en 1949 à La Haye et en 1951 à Milan, 1954).

- Quatre participations aux Jeux olympiques : 4ème en 1948 à Londres, 5ème en 1952 à Helsinki, 3ème et Médaille de Bronze en 1956 à Melbourne, qualifié en 1960 à Rome.

 

Aussi, ils ne sont pas bien nombreux, les athlètes qui peuvent se vanter d’avoir inauguré de leur vivant, une salle portant leur nom.

 

Depuis le 11 septembre 1993, Bousbecque (Nord) a en effet immortalisé dans la pierre son plus célèbre enfant. 

A Wattignies (Nord), une salle de musculation porte également son nom.

 

Né à Bousbecque (Nord) le 31 mai 1924, Jean Debuf est l’aîné d’une famille ouvrière de sept enfants.

 

« Il n’y avait pas d’électricité à la maison. Pour faire sa toilette, on tirait de l’eau à la cour, raconte-il. Les conditions de vie sont rudes, mais Jean est grand et robuste. Un de ses camarades voit en lui un athlète et le pousse à pratiquer la culture physique. « Il voulait être professeur de gym et souhaitait que je sois son élève pour tester une nouvelle méthode », se souvient-il.

 

Par jeu, il accepte. « J’ai vite accroché » ajoute Jean qui s’impose un entraînement spartiate : « Je me levais tous les jours à cinq heures, je poussais les lits de mes deux frères et j’ouvrais la fenêtre en grand pour bien respirer pendant mes exercices ».  

Soulever des poids lui fait oublier les soucis de la vie, plus difficile suite au décès de son père en 1936. Jean a alors douze ans. « J’étais devenu un fanatique de culture physique » se souvient-il. Consciemment ou non, il se prépare à échapper à sa condition. 

 

Comme il n’avait pas de diplôme et qu’il devait travailler très tôt, sa détermination à vouloir s’en sortir par le sport lui vient très vite. « A 14 ans, je travaillais dans une filature à Tourcoing et je n’allais pas y rester toute ma vie », dit-il.

 

Jean Debuf se met donc à la culture physique avec comme modèle Charles Rigoulot champion du monde d’haltérophilie. Triple champion des Flandres minime (vitesse, hauteur et longueur), il abandonne cependant l’athlétisme, pour se consacrer pleinement à son sport de prédilection, l’haltérophilie. 

Après la difficile période de l’occupation, Jean entre dans les Trente Glorieuses, toujours avec l’envie de « sortir de l’ordinaire ». Il reprend d’arrache-pied ses entraînements et sort de l’ombre en 1948.

 

Et c’est au club d’Halluin qu’il se forgera son avenir. Un choix judicieux puisque, sous les couleurs de l’Union halluinoise à partir de 1944, il entamera un règne sans partage sur la France, avec notamment quinze titres nationaux , mais aussi trois fois champion d’Europe et deux fois vice-champion du monde.

 

C’est l’occasion de rappeler, que l’année 1951 fut exceptionnelle pour les couleurs du club d’haltérophile d’Halluin puisque les deux copains d’entraînement devenaient champion de France, dans deux catégories différentes, moyens pour André Dochy  et mi-lourds pour Jean Debuf.

 

Cet élogieux palmarès était dû aussi au dévouement inlassable du Président du club halluinois Jean Nolf et de l’entraîneur Jules Dutilleul professeur d’éducation physique compétent et dévoué.

 

Cet « Hercule aux gestes de danseur » sacré plus bel athlète de France en août 1950 à Nice, fut distingué également  par un premier prix du meilleur style du Monde en 1949.

 

Des dispositions et un entraînement sans relâche mènent aussi Jean Debuf à une première sélection olympique pour les jeux de Londres en 1948 « Je suis 4ème, mais aller aux JO, c’était déjà extraordinaire ».

 

Il deviendra l’un des rares sportifs français à avoir participé à quatre Jeux olympiques. Il y aura successivement ceux d’Helsinki, de Melbourne et de Rome, alternant avec les championnats du monde à Milan, La Haye et Vienne. Avec les Raymond Herbaux et Rof Maier comme copains de compétition.

 

Avec Mimoun aux J.O. de Melbourne (Australie).

 

« Ma plus belle année, c’est 1956 » se rappelle Jean Debuf. Il est le porte-drapeau de la délégation française aux JO de Melbourne où il remporte la médaille de bronze, en catégorie mi-lourds (entre 75 et 82 kg), venant récompenser le travail et la constance du « p’tit gars de Bousbecque ».

 

 Cette année-là, les Français ramenèrent quatorze médailles. Jean Debuf se souvient de la victoire de Mimoun au marathon (en 2 h 25) ; de la réception du président Coty à l’Elysée ; du podium, des discours et des cadeaux des religieuses Bernardines chez qui il était professeur d’éducation physique, boulevard Vauban ; ainsi que d’une lettre ministérielle qui le félicitait « pour sa victoire en course de vitesse ». Sans doute le cycliste français Rousseau fut-il salué comme champion haltérophile !

 

Jusqu’en 1960, Jean Debuf reste le maître incontesté de la discipline en France et à la reconnaissance de ses pairs à l’étranger. Pour parvenir à tous ces résultats, Jean s’entraîne quotidiennement, mais il passe aussi des qualifications pour enseigner le sport dans les écoles.

 

Licencié et un koala en peluche !

 

De quoi oublier les heures noires… sans pour autant effacer l’année de honte durant laquelle il fut contraint (« à en vomir !... ») de faire du catch pour nourrir sa famille… 

En effet, n’avait-il pas été remercié en cette année 1951 par l’administration pour cause d’absence, alors même qu’après son titre européen, il revenait des Jeux méditerranéens (la raison de son absence justement…) nanti d’une médaille d’Or ? !

 

Sans amertume, ni jalousie, Jean Debuf voit combien le sport et surtout l’haltérophilie, a changé en quarante ans. Après ce premier titre méditerranéen, on lui dit : « c’est très bien, bravo » mais ce mois-là l’administration qui l’employait ne lui donna pas sa paie de moniteur d’EPS : « Je n’ai rien pour vous, vous n’avez pas travaillé ».

 

Alors que l’haltérophilie lui fit connaître les voyages en 3ème classe et les dures fins de mois, Jean accepte donc une proposition pour devenir catcheur, « pour gagner ma vie, cela payait bien, mais j’avais horreur de cela ». 

 

Pendant un an il sillonne la France aux côtés du Comte de Monte Cristo, de Chéri Bibi, et d’autres acolytes de cordes. L’argent qu’il en tira ne lui donna jamais les grandes joies du sport dont il rêve encore la nuit.  

Il retrouve toutefois une place dans un pensionnat de jeunes filles à Lille.

 

Quant à sa médaille de bronze des J.O à Melbourne, celle-ci lui rapporta un petit ours koala en peluche. Et la considération générale.

 

« La tête et les jambes » avec Pierre Bellemare.

 

Par la suite, après avoir accepté la proposition d’un ami grossiste en volailles, dont il devient le représentant pour la région Nord, il s’installe ensuite à son compte sur Wattignies. Jean s’apprête à quitter les feux de la rampe.

 

Il les retrouve en 1968, lorsqu’on lui propose de participer au jeu télévisé de Pierre Bellemare « La tête et les jambes ».

 

L’historien Douillet fut « la tête » et lui, « les jambes » de cette émission très populaire « qui faisait baisser les recettes de cinéma, le jeudi soir ».  Son coéquipier parla histoire et les 155 kg de fonte qu’il souleva ce jour-là pour suppléer la défaillance de son partenaire valaient aussi leur pesant d’or… soit un million d’anciens francs. Une paille pour Jean Debuf qui n’a « jamais été aussi célèbre que ce jour-là », conclut-il encore aujourd’hui.

 

A plus de 70 ans, Jean Debuf était d’ailleurs resté un homme de défis. Qui lorgnait toujours sérieusement sur un titre qui lui faisait défaut : celui de champion du monde des vétérans ! 

En août 1996, lors d’un entretien pour la presse régionale, celui qui pourrait avoir la grosse tête et vivre au milieu des trophées qu’il a remportés se désignait encore à 72 ans comme « un petit Bousbecquois ».

 

Jean Debuf qui fit jouer « La Marseillaise » en montant sur les podiums du monde entier vit le plus simplement du monde avec son épouse dans un petit appartement de Logis-Métropole à la limite verdoyante de Lille et de Marcq-en-Baroeul. Il présentait au journaliste ses enfants, petits-enfants et arrière en photos sur les murs.

 

Par contre on ne trouve pratiquement pas de coupes, ni de photos glorieuses aux côtés des grands de ce monde. Droit dans sa vie, bien dans sa tête, il n’est pas de ceux qui vivent dans leur musée. Il y a belle lurette qu’il a donné ses trophées à ses enfants et petits-enfants. « La famille, ça vaut une médaille d’or »,  dit-il. 

 

Le samedi 29 Novembre 2008, une nouvelle salle de sports « Jean Debuf » fut inaugurée à Comines (Nord) en présence du médaillé de bronze à Melbourne.

 

Jean Debuf est décédé le 6 Octobre 2010.

 

16/5/2011.

Commentaire : Daniel Delafosse