Groupe des jeunes filles en colonies de vacances à Dôle (Jura) en 1952,
avec l'abbé Albert Decourtray futur Cardinal et Académicien.
(ARPH DD n° dec 3138)
Albert Decourtray, le Vicaire Halluinois
devenu Evêque, Archevêque Primat des Gaules,
Cardinal et Académicien !
Natif de Wattignies, le nordiste Albert Decourtray est décédé le 16 septembre 1994 à Lyon, des suites d'un accident vasculaire cérébral ; il avait 71 ans.
Sa famille est venue en 1938 habiter Seclin, qui devint alors son port d'attache. Lors de sa communion privée, vers l’âge de 7 ans, il avait affirmé vouloir devenir prêtre. Après le petit séminaire d’Haubourdin et le grand séminaire de Lille, Albert Decourtray fut ordonné prêtre le 29 juin 1947.
Avec un halluinois l’abbé Emile Cornil, le nouveau prêtre partage des années d’études et d’enseignement, notamment à Rome, où ils font ensemble leurs études bibliques durant deux ans en 1949 et 1950. Ensemble aussi, ils devinrent professeurs au grand séminaire de Lille, l’un professeur de théologie, l’autre de la Bible.
Autre lieu, comme l’abbé Cornil halluinois d’origine, il sera nommé vicaire à Halluin en 1951 durant un an.
La paroisse Saint-Hilaire est alors l’une des plus vivantes du diocèse et près de 5000 personnes assistaient chaque semaine aux offices. Le vicaire Decourtray âgé de 28 ans, qui parlait déjà inlassablement dans les réunions des mouvements de jeunesse catholique, de l’Action catholique, était aussi l’aumônier d’une école de filles mais tenait beaucoup à être présent dans les familles touchées par la maladie ou la mort d’un proche.
1er à gauche, Albert Decourtray, sortant de l'Eglise Saint-Hilaire, le 17 Juillet 1955,
après la cérémonie d'ordination de l'halluinois Ignace Vermeersch.
(ARPH DD n° dec)
Les anciens halluinois se souviennent de lui comme d’un homme attentif aux autres, toujours souriant et charmant.
En 1956, devenu directeur du grand séminaire de Lille, Albert Decourtray reviendra à Halluin, pour la consécration de l’église Saint-Hilaire, à l’occasion de son centenaire.
Vicaire général du diocèse de Lille, il devint archidiacre de Roubaix-Tourcoing. « C’est son contact avec les petites gens à Seclin, Halluin, Roubaix qui lui a permis de devenir évêque » disait de lui son ami l’abbé Germain Dequae. Effectivement, il recevra la mitre dans la cathédrale de Lille le 3 juillet 1971.
C’est à cette époque qu’il quitta le Nord pour rejoindre l’évêché de Dijon. Son attachement à ses racines nordistes ne s’était toutefois jamais démenti.
Il sera nommé archevêque de Lyon et primat des Gaules en 1981, vice-président de la conférence épiscopale la même année (il y restera jusqu’en 1987) puis accède au Cardinalat en 1985 sur décision du pape Jean-Paul II.
C’est en octobre 1986, que l’ancien halluinois recevra Sa Sainteté, lors de sa visite en France et notamment à Lyon.
Monseigneur Decourtray fuyait la « langue de bois » souvent chère à la hiérarchie catholique.
Et lors de ses passages télévisés à « L’heure de vérité » ou à la radio, il pulvérise les records de l’audimat.
Le Cardinal Decourtray a écrit trois livres. Son préféré « Vingt-deux entretiens avec Raymond Sève » (édition du Centurion 1986) dans lequel, notamment, il raconte son passage à Halluin avec beaucoup d’enthousiasme « J’étais passionné » disait-il.
Quant aux deux autres livres « Une voix dans la rumeur du monde » et « un évêque et Dieu » il soulignait lui-même qu’il s’agissait de simples recueils d’interviews.
La maladie déjà, l’avait frappé au milieu des années 1980, quand un cancer des cordes vocales l’avait contraint au silence pendant plusieurs mois.
Premier cardinal depuis Jean Daniélou à être admis sous la célèbre Coupole du quai Conti, parmi les « Immortels », il avait été reçu à l’Académie française le 10 mars 1994, succédant au fauteuil du Professeur de Médecine Jean Hamburger (Père du chanteur Michel Berger).
Pour la petite histoire, enfant, l’académicien et historien Alain Decaux, son cadet de deux ans, vivait aussi à Wattignies.
Lors de cette réception à l’Académie, Maurice Schumann, sénateur du Nord, avait évoqué l’exigence de vérité et de justice du cardinal qui était un adepte du parler-franc comme il le montra dans l’affaire Touvier et par son engagement contre le racisme. Citant Massillon, Maurice Schumann avait souligné : « Il a introduit un sentiment plus vif et plus présent des passions humaines dans le discours religieux ».
Il est vrai, que Le cardinal dérangeait par ses prises de position. C’était un homme d’Eglise au cœur du monde, qui ne craignait pas de heurter tous azimuts en défendant les immigrés et les « taulards » ou en condamnant la contraception, l’avortement et l’usage du préservatif. Albert Decourtray approuve aussi la guerre du Golfe et justifie le procès de Klaus Barbie.
L’ancien halluinois jouera notamment un rôle déterminant dans le procès de l’ancien chef de la milice lyonnaise Paul Touvier, en ouvrant les archives du diocèse à une commission d’historiens ; il approuvera leur travail et la conclusion de l’historien René Rémond sur l’attitude des catholiques et de certains évêques en tête, vis-à-vis de Touvier. C’est alors le scandale chez les traditionalistes.
En 1988 lors d’un entretien, et à la question : « Malraux a dit le XXIe siècle sera religieux ou ne sera pas », Monseigneur Decourtray répondait : « Je suis absolument certain désormais, après avoir douté de la validité de la phrase de Malraux, que cela se réalisera. Le XXIe siècle a déjà commencé. Je vois surgir le renouveau religieux partout… et il concluait « le tout est de savoir si ce sera une religion sauvage, une religion séculariste, une religion du progrès, ou la véritable religion qui fait le bonheur de l’homme. Ma question est surtout là. Vraie religion ou fausse religion ? Mais de toute façon, religion ».
La ville de Seclin a honoré sa mémoire, en 2007, en donnant son nom au parvis de la collégiale, désormais appelé Parvis cardinal Albert-Decourtray. De même, la paroisse de Seclin-Attiches a apposé une plaque dans la collégiale, en sa mémoire, puis baptisé la maison paroissiale Centre pastoral cardinal Albert-Decourtray.
La vie du cardinal fait l'objet d'un livre en 2010, aux Editions Desclée de Brouwer ; écrit par le père Jean-Luc Garin, qui fut curé de Seclin de 2004 à 2010, et un Seclinois Gérard Hugot : "Petite vie du cardinal Decourtray". Les auteurs évoquent le ministère exercé à Halluin par Albert Decourtray en 1951-1952.
5/8/2010
Commentaire et Photo : ARPHalluin - Presse - Daniel Delafosse