Une ouvrière des Ets Minet-Willems (Tissages de la Lys).
(Photo n° 1049)
La vie halluinoise...
dans les entreprises textiles.
L'Association des seniors halluinois organisait, ce vendredi 24 avril, son premier Estaminet de la mémoire de l'année 2009, sur le thème de « La vie halluinoise dans les entreprises textiles ».
Cette thématique était présentée et animée par le président de l’association des seniors halluinois, Roland Verkindère, par ailleurs historien local, avec la collaboration des vidéastes de Cinélys.
Cette manifestation a rassemblé pas moins de 72 personnes passionnées, retraitées pour la plupart de ces entreprises, où ils ont vécu avant d’assister à leur fermeture, tissages, filatures, peignages, blanchisseries, confections et industries annexes.
Halluin a changé d’allure et de physionomie par de nouvelles implantations aux quatre coins de la commune.
En 1830, Halluin compte environ 3 700 habitants. De très nombreuses constructions, fermes, maisons d’ouvrier agricole et ateliers de tisserands sont éparpillés sur le territoire de la commune. Dans certaines maisons ouvrières, un ou deux métiers à tisser sont installés.
La mentalité d’unité de production de tissage est très forte. On se mettait au métier à l’âge de 11 ans au détriment de l’école. Le métier Jacquard qui est l’outil du tisserand à domicile est reconnaissable à la mécanique qui le surplombe, ces métiers à bras le plus souvent installés dans les sous-sols des maisons ateliers et qui tissaient durant une quinzaine d’heures par jour.
Halluin a connu au 19e siècle une extension importante de la population. Après la période marquée par les maisons ateliers, on voit apparaître vers 1870 une implantation de bâtiments industriels, d’usines textiles.
Le phénomène de la proximité de la frontière jouera un rôle essentiel pour le développement avec l’arrivée des travailleurs frontaliers.
Les industries textiles à la fin du 19e siècle restent un fief du tissage de la toile. Une dizaine d’usines fabriquaient des produits lainiers depuis les tissus d’ameublement , linge de table, draperie, toiles à matelas et coutils, cotonnade et velours de coton.
Les plus importantes sont Defretin, Huet, Sion, Demeestere, Lemaitre, Wallart et l’usine Gratry dont la production est orientée sur le coutil pour la literie d’un bon niveau de qualité.
C’est vers 1854, que Jules Gratry, originaire de Courtrai, décide de s’installer sur 75 ha le long de la lys et décide à prendre une place sur le marché français.
Le tisserand travaille sur 2 métiers avant de passer à 12 métiers. En 1900, l’effectif sera de 600 personnes, il passera à 1 100 ouvriers et ouvrières avec 900 métiers au moment de la guerre 14-18.
Les pièces de tissus approvisionneront les grossistes français, mais seront également exportées dans le monde entier.
Les Ets Sion créés en 1885 ont été un des plus importants tissages de draperie, pendant près d’un siècle, avec un effectif de 1 500 personnes.
On embauchait des jeunes entre 12 et 15 ans, se souvient M. Castro, le directeur était un sacré personnage qui se basait sur les bonnes notes obtenues à l’école pour embaucher des apprentis qui apprenaient sur le tas conseils et compétences des anciens. Les cours du soir permettaient à ces jeunes d’évoluer dans leur parcours.
On embauchait, le plus souvent, de bouche à oreille ou par affiliation, des familles entières sont rentrées dans l’entreprise. La moitié du personnel parlait le flamand. Le patron Robert Sion était un grand coulonneux et se retrouvait avec ses contremaîtres et ouvriers lors des concours.
Le témoignage de Bernard.
Difficile d’évoquer les entreprises textiles sans parler du tissage de la Lys. Les établissements Minet Willems qui fabriquent, depuis plus d’un siècle, à la perfection des tapisseries murales, tous styles allant du 15e au 20e siècle. Elles sont exportées dans le monde entier.
Bernard est rentré à l’âge de 15 ans, venant du centre d’apprentissage textile d’Halluin. Le tisserand n’avait qu’un métier, mais beaucoup de responsabilité, une mécanique archaïque, l’usine tournait avec des cartons récupérés chez Vanoutryve ou Defretin.
Il n’y avait pas de création, il a fallu à un moment moderniser l’usine compte tenu de la progression du carnet de commandes. Un peu à la fois, on est passé de 10 à 20 métiers. Le tisserand avait la responsabilité de 2 métiers.
« J’ai effectué des cours du soir pour devenir un spécialiste du tissage en paysage et personnage avec le point d’Halluin. J’ai terminé ma carrière après 45 ans d’entreprise après avoir été nommé meilleur ouvrier de France ».
Autres Témoignages, souvenirs, moments forts, réflexions ont animé la séance. À l'ombre du moulin, les anciens... Il y a Oscar, Roland, le curé et puis Sion, Gratry... Les uns racontant la vie de ces entreprises parfois vivantes, souvent mortes, mais à chaque fois plus petites après le règne du textile. Alors sans nostalgie ni passéisme, les participants de cet atelier se livrent, racontant leur vie, celle de leur famille et l'ambiance de l'usine.
« Je suis rentré à Sion en 1955, on embauchait des jeunes entre 12 et 15 ans, se souvient M. Castro, membre de l’association des seniors, le directeur venait chercher les élèves à l'école et il les sélectionnait sur les bonnes notes obtenues ; ces apprentis apprenaient sur le tas, conseils et compétences des anciens. Les cours du soir permettaient aux jeunes d’évoluer dans leur parcours. C'était quand même assez sympathique car il y avait de vrais personnages dans l'entreprise ».
Et l'homme de dégainer les noms et prénoms, Jules, Gabriel, Robert, le pittoresque, le sévère, le fier de lui, et celui qu'on appelait Leleu, « parce que c'était le seul mot qu'il comprenait dans le vacarme des machines ».
Dans ce florilège de mémoires dévoilées, apparaissent les grèves, comme celle des Belges en 1959 qui bloqua la frontière pendant des jours, les histoires d'actionnaires, de patrons ne vivant qu'à Paris ou de mariages entre grands industriels.
Roland Verkindère, le président des Seniors halluinois, raconte que la première revendication de couturières dirigées par une sœur, fut de ne plus réciter le chapelet pendant les heures de travail. Une mesure prise pour les empêcher de parler.
Dominique, curé à la retraite, se souvient d'avoir été appelé « le fils à Michel » pendant toute son enfance. Lui vient d'une famille possédant auto et téléphone avant la guerre : « Quand j'étais puni, je devais aller pousser des chariots de teinture et je perdais plusieurs kilos dans l'après-midi. » Il se souvient de l'usine, mais surtout de la guerre. Habitant à deux pas du pont, sans cesse bombardé, il se réfugiait sous les métiers à tisser.
Halluin, la spécialiste du linge de table, de maison et d'ameublement a vécu la folie mécanique vers 1860, les Belges très nombreux venant travailler, ce qui explique le nombre d'entreprises situées rue de la Lys.
Aujourd'hui, les anciens doivent transmettre, et grâce à l’association Cinélys, chacune de leur parole est précieusement filmée.
23/5/2011
Commentaire et Photo : Presse - ARPH - Daniel Delafosse
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