Guerre 14 - 18
Le 30 Juin 1915, le conseil municipal et un certain nombre de notables sont convoqués d’urgence à 19 heures pour se réunir à 21 heures à l’usine Loridan.
« C’est à peine si on se voit dans ce magasin immense qui n’est éclairé que par la faible lueur d’une ou deux bougies. Il n’y a que deux chaises, si bien que l’assemblée en est réduite à se tenir debout » décrit le compte-rendu.
M. Pierre Defretin prend la parole et explique les motifs de ce conseil :
« Premièrement : le refus de la ville de continuer le paiement des lourdes réquisitions de salaires des ouvriers travaillant dans les tissages et scieries. D’abord parce qu’elles surpassent les ressources communales : ensuite parce que certaines ont directement trait aux opérations de la guerre.
Deuxièmement : les menaces d’affamation (sic), de destruction et d’effusion de sang portées contre la ville et ses habitants si, dans les usines en question, le travail n’est pas immédiatement repris ».
M. Defretin ne cache pas qu’il est partisan de la résistance mais ne veut pas décider seul. Comme il l’écrit au commandant allemand de la place :
« Je ne puis oublier qu’il y a 2.500 Halluinois sous les drapeaux (…) et je ne voudrais pas qu’un seul puisse me reprocher un jour d’avoir aidé à forger des armes contre eux… ».
La situation est grave : quelques jours après que l’administration municipale ait refusé de continuer à payer, les ouvriers ont quitté les usines en emportant le matériel. La Kommandantur qui a besoin des usinespour fabriquer des objets défensifs (notamment des sacs de sable) prend des mesures arbitraires et liberticides.
Les usines continuent d’être réquisitionnées et la Kommandantur s’engage à payer le salaire des ouvriers. Mais si ceux-ci ne reprennent pas le travail, « ils seront arrêtés, internés et conduits journellement au travail sous surveillance militaire ».
Tous les estaminets et restaurants sont fermés, toutes les communications interrompues, toute circulation interdite entre 17 heures et 9 heures interdite, « Toutes les fenêtres et tous les volets du côté rue doivent être fermés ».
Mais surtout, les Allemands désignent des otages, dont le maire.
« Emprisonnés dans une usine, ils sont autorisés à se faire apporter leur dîner, mais on vient de les aviser qu’ils seront désormais traités au pain et à l’eau avec droit cependant tous les trois jours à une ration chaude.
A 18 heures, ils sont transférés à l’usine Loridan et découvrent qu’une vingtaine d’Halluinois sont également prisonniers.
Le 30 juin, les Allemands décrètent :
« Que la responsabilité du maire est gravement engagée et que des mesures rigoureuses vont être prises qui vont, s’il le faut, jusqu’à la fusillade d’un millier de personnes, jusqu’au bombardement même.
C’est alors que le maire demande à consulter le conseil municipal et les notables. Les Allemands acceptent et les voici, ce 30 juin à 21 heures, à tenir la vie de la ville entre leurs mains.
Anéantissement de la ville
L’un des premiers à prendre la parole fut le curé-doyen Emile Deram qui félicita le maire et les prisonniers pour leur « noble et patriotique attitude ». Les participants à l’assemblée expriment ensuite leurs craintes sur le fait qu’Halluin serve d’exemple.
Ainsi le commissaire de police interrogé dit ceci : « L’administration militaire allemande n’hésitera pas à commettre quelqu’acte suffisant pour terroriser la ville et faire un exemple ».
Finalement, les patrons racontent qu’ils fabriquent dans leurs usines des vestons et pantalons pour les officiers allemands, mais aussi des cercueils, des croix, des bols, des tabliers, des draps… « L’assemblée se montre intraitable sur la question de la fabrication des sacs qu’elle considère comme du matériel de guerre ».
Peu après, arrive le commandant Schranck : «Nous sommes la force et nous n’avons pas à justifier nos actes. Nous vous demandons que tout ce dont nous avons besoin pour l’entretien des troupes soit fabriqué par les ouvriers du territoire occupé.
Je peux vous assurer que l’autorité allemande ne se départira d’aucune condition de ses demandes et de ses droits, même si une ville de 15 000 habitants devait périr ».
Il demande une dernière fois à l’assemblée de réfléchir et menace de déportation toutes les personnes présentes et « anéantissement de la ville ».
L’assemblée a alors un quart d’heure pour se prononcer. Finalement :
« A une légère majorité, l’assemblée contrainte par la force et les menaces, et pour éviter à la population le pillage, l’incendie, le meurtre, se prononce en faveur de la reprise.
Il est minuit, ce 30 Juin 1915.
Lu à HALLUIN, le 30 Juin 1915, à 11 heures ½ du soir.
Au Conseil Municipal et aux notables de la Ville d’HALLUIN.
Messieurs,
Les évènements qui se passent sont connus à tous ces messieurs.
C’est la conception et l’interprétation de l’article 52 de la Convention de la Haye qui a créé les différences entre vous et l’Autorité militaire Allemande. De quel côté est le droit, ce n’est pas à nous de le discuter, parce que nous ne sommes pas compétents et nous n’arriverons jamais à nous entendre sur ce point là. Ce sera l’affaire des diplomates et des représentants des différents états après la guerre.
Aujourd’hui c’est exclusivement l’interprétation de l’Autorité militaire Allemande qui est valable et en raison de cela, nous demandons que tout ce que nous avons besoin pour l’entretien de nos troupes soit fabriqué par les ouvriers du territoire occupé.
Je puis vous assurer que l’autorité militaire Allemande ne se départira sous aucune condition de ses demandes et ses droits, MEME SI UNE VILLE DE 15.000 HABITANTS EN DEVRAIT PERIR.
Les mesures introduites jusqu’à présent ne sont qu’un commencement et chaque jour il y aurait des mesures plus sévères jusqu’à ce que notre but soit atteint.
C’est le dernier mot et le bon conseil que je vous donne ce soir : revenons à la raison et faites en sorte que tous les ouvriers reprennent le travail sans délai, autrement VOUS EXPOSEZ VOTRE VILLE, VOS FAMILLES et votre personne même AUX PLUS GRANDS MALHEURS.
Aujourd’hui et peut-être encore pour longtemps, il n’existe pour HALLUIN, ni Préfecture, ni Gouvernement Français, il n’y a qu’une seule volonté et c’est la volonté de l’autorité militaire Allemande.
Le Commandant de Place,
signé : S C H R A N C K.
Pour copie conforme,
Le Maire d’HALLUIN
P. DEFRETIN
Probablement durant la guerre 14/18 - Les cuisines militaires -
(photos n° 3489 - 4065)
En 1918, société philantropique d'aide et protection aux réfugiés halluinois.
(photo n° 1681)
Une maison sise rue de la gare, occupée par l'armée Allemande durant la guerre 14/18.
On y remarque des soldats allemands dans le jardin.
(photo n° 5293)
Des soldats, posant devant l'atelier de Valère Delobelle
rue des écoles (G.Desmettre).
Aujourd'hui la pharmacie Delobel est à cette adresse.
(photo n° 665)
Des halluinois requis par les allemands, refusèrent de travailler.
Ils furent considérer comme prisonniers et placés dans un camp
à Bousbecque. (photo n° 3262)
Les forçats.
Ils étaient requis pour travailler pour l'occupant en 1917.
Ils s'estimaient prisonniers. (photo n° 3259)