C'était il y a 40 ans... en 1982 :
(Photo DD n° P1790624)
« Parce que j’étais de l’assistance »…
EUGENE LE GARREC N’A RIEN OUBLIE
Dans notre ville, il existe certaines personnes originales et qui ne s’en cachent pas ; il y a aussi des gens qui occupent une place importante et qui sont connus de tous ; et puis il y a de simples Halluinois qui ne font pas parler d’eux parce que leur vie est… quotidienne.
Parmi cette dernière catégorie, la plus nombreuse, il en est qui créent une œuvre importante pour eux. Cette œuvre pourrait devenir publique, mais la modestie, la discrétion l’emportent, et trop souvent « l’œuvre » reste enfouie au fond de la mémoire ou reste cachée dans un carton.
En 1982, la presse locale (VdN) apprit incidemment qu’un Halluinois, retraité de son état, avait écrit un livre autobiographique sur une période bien précise de sa vie. Peu de gens pouvaient imaginer que ce sympathique septuagénaire Eugène Le Garrec, pourrait un jour obtenir des lettres de noblesse dans cet art que l’on nomme la littérature.
La Voix du Nord est allée le voir chez lui, pour le faire parler de son livre, mais aussi surtout de lui.
Eugène Le Garrec ou Jean-Paul Cergal un "jeune auteur" de 77 ans.
(VdN DD n° Img 201)
Voici le récit de cette rencontre en Août 1982 :
Une petite maison simple et coquette dans un quartier calme, au milieu de chaumières toutes semblables, c’est là que vit M. Eugène Le Garrec alias Jean-Paul Cergal. Son d’auteur est composé de l’anagramme de son nom véritable.
M. Eugène Le garrec nous a reçu très gentiment dans son salon et là, très facilement, il répondit à nos questions, évoquant avec une mémoire précise les sombres évènements de son enfance pénible.
Des débuts difficiles
Son livre porte un titre évocateur « Parce que j’étais de l’assistance ». Un volume de plus de 400 pages, découpé en 82 récits tous authentiques qui rendent compte de 14 années de sa vie entre 1911 et 1926.
C’est avec encore de l’émotion dans la voix que Eugène Le Garrec nous expose brièvement les grandes lignes de son ouvrage.
« Quand vous est venue l’idée d’écrire ce récit ? ».
« Il faut tout d’abord que je vous dise comment je suis arrivé à l’assistance. J’étais le plus jeune d’une famille de cinq enfants. Je n’ai jamais connu ma mère car elle est morte alors que j’étais tout petit. Mon père est décédé quelques mois plus tard.
Personne ne pouvait s’occuper de moi. Je suis donc entré à l’assistance à l’âge de 6 ans pour en sortir à 21 ans, la majorité à l’époque. Pendant cette dure période, j’ai vécu des choses incroyables. J’avais lu le livre d’Hector Malot « sans famille » et vers l’âge de 14 ans, je me suis dit que moi aussi j’écrirai un jour tout ce que j’avais vécu.
J’ai toujours été très bon en rédaction et cette idée d’écrire cette période de ma vie m’a aidé à supporter les souffrances ». A n’en pas douter ce Breton possède une volonté et un courage capables de soulever les montagnes.
Un travail de longue haleine
Cet homme aux yeux pétillants, aux cheveux argentés qui est assis là paisiblement dans son fauteuil, parle après plus de cinquante années de façon précise et dans les moindres détails de ce que l’on pourrait appeler son calvaire.
Pas de haine, ni de rancœur mal placés dans son récit, mais plutôt une sorte de délivrance visible pour ses proches ou ceux qui l’écoutent.
Les feuillets patiemment écrits à la main.
(Photo VdN DD n° Img 209)
"Quand avez-vous commencé à écrire ces mémoires ? ".
« Comme je vous l’ai dit cette idée germait depuis longtemps. J’avais commencé à écrire un ou deux récits, quand en 1953, dans un journal appelé « Le monde ouvrier », je vois un concours littéraire ouvert à tous. J’envoie un de ces récits intitulé « La musette » (qui d’ailleurs se trouve dans mon livre). Le mois passe et qu’elle ne fut pas ma surprise en voyant mon récit publié et obtenir le second prix ».
Dès lors Eugène Le Garrec, commença un travail qui lui prit tous ses instants de liberté et écrivit trois volumes d’une écriture fine et déliée. Plus tard, il tape à la machine toutes ses notes et apporta corrections et améliorations à son ouvrage. Toutes ces notes ont été écrites de mémoire, à ses heures perdues. Un travail de longue haleine qui mit plus de 20 ans à porter ses fruits.
Avant d’expliquer la merveilleuse aventure qui permit de voir ses écrits publiés dans une célèbre maison d’édition, revenons un peu sur la vie d’Eugène Le Garrec ; plus précisément au moment où il parvient à se sortir de son cauchemar.
Le manuscrit a son étape intermédiaire.
(Photo VdN DD n° Img 208)
La fin d’un long tunnel
Après avoir vécu plus de neuf années dans différentes fermes en Bretagne, après avoir subi de nombreux sévices corporels psychologiques, l’heure de la majorité arrive. Pour Lui, deux solutions : passer devant le conseil de révision, espérer faire son service militaire, ou comme malheureusement beaucoup de ses compagnons d’infortune, mener une vie aventureuse au risque de « mal finir ».
La première des solutions fut celle qui réussit. Après un an de cavalerie à Pontoise de 1924 à 1925, puis l’exercice d’un tas de petits métiers pendant trois ans, il put entrer dans la gendarmerie en 1928. A partir de là commence une vie normale et équilibrée pour Eugène Le arrec.
Il ira un peu partout en France et passera quelques temps à Attas et à Aire-sur-la-Lys. Il monta très vite en grade pour terminer adjudant-chef de gendarmerie en 1946. C’est à partir de cette date que commencera sa vie d’Halluinois, entouré de son épouse et de ses quatre enfants. A partir de ce moment, il fut aide-comptable dans une entreprise d’Halluin.
Consécration et récompenses
Mais depuis quelques années, les manuscrits restaient là, Eugène Le Garrec les regardait bien de temps en temps. Pour lui, il avait terminé : il avait écrit tout ce qu’il voulait dire depuis longtemps.
Seuls sa femme, ses enfants, petits-enfants et amis intimes connaissaient l’incroyable et révoltante histoire d’Eugène Le Garrec. C’est alors que sa femme, une petite bonne femme fluette, mais débordant d’énergie, le pousse à envoyer son manuscrit à différentes maisons d’édition.
Nous le savons tous, il est très difficile de faire paraître un livre lorsqu’on est inconnu. Des milliers de livres s’empilent et attendent impatiemment le verdict et du comité de lecture, et rares sont ces manuscrits qui se retrouveront un jour sous la forme de feuillets reliés.
Eugène Le Garrec a donc envoyé « Parce que j’étais de l’assistance » un peu partout. L’optimisme, qui est la force de cet auteur, s’est trouvé une nouvelle fois récompensé. En 1982, son ouvrage tiré à 3.000 exemplaires est disponible sur commande dans les librairies.
Eugène Le Garrec est un homme heureux. On commence à parler de lui sur les ondes nationales. Ainsi un commentateur d’une station de radio connue disait de lui : « Si Jean-Paul Cergal, avait pu faire des études, il aurait été un grand écrivain ». Mais même si Jean-Paul Cergal n’a pas fait d’études, nous qui avons lu son livre pouvons vous assurez que son style est bon, clair, facile à saisir. La simplicité dans l’écriture est toujours une qualité.
(Presse DD n° cer)
L’optimisme, une valeur sûre
Dernièrement, il est allé à Paris pour dédicacer son livre et il a été proposé pour le prix Moncey, prix littéraire décerné par la direction de la gendarmerie.
Jean-Paul Cergal ou Eugène Le Garrec donne à ses lecteurs une leçon de courage et d’optimisme, deux valeurs qui sont la clé d’une vie gagnée sur l’adversité.
Pour conclure, nous nous permettons de retranscrire la dédicace que Jean-Paul Cergal a écrit dans la page de garde de son livre. Celle-ci venant confirmer ce que nous avons découvert en rencontrant cet homme discret.
« … Je souhaite aux uns et aux autres de puiser, dans mes récits, l’espoir et le courage dont ils ont et auront besoin pour faire face à l’adversité… ».
Récit de Laurence Verley : « La Voix du Nord » le 15 Août 2022.
Au 1er plan, 1ère à gauche, la sépulture Le Garrec - Scheemacker - Novembre 2012.
(Photo DD n° Leg)
Né le 7 Mai 1905 à Vannes, Eugène Le Garrec est décédé
le 15 Juin 1984 à Halluin et inhumé au cimetière de la Ville.
La sépulture de M. et Mme Eugène Le Garrec -Scheemacker
au Cimetière d'Halluin - Juillet 2022.
(Photo DD n° P1790625)
Retour dans le Passé Littéraire Halluinois :
Après sa création en 1976, dans un local rue Emile Zola,
la Bibliothèque Municipale d'Halluin est transférée, rue de la Paix,
d'Avril 1980 à Avril 1987.
(Photo DD n° Img 206)
Une partie de la Bibliothèque Municipale...
(Photo DD n° Img 204)
... aménagée, avec les bureaux, rue des Près Halluin - Septembre 1982
(Photo DD n° Img 205)
Trois Halluinois... Trois Ouvrages...
(Photo DD n° Img 203)
... à la disposition des lecteurs, en Sept. 1986.
Nouvelle Bibliothèque Municipale, rue de Lille, Halluin...
Inaugurée le 24 Mai 1987.
(Photo DD n° Img 207)
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L'Halluinois Francis Delafosse : Un Livre d'Histoire et un Exutoire (Déc. 2021).
Francis Delafosse : Légion d'Honneur... Mémoires d'une Carrière... Suite et Fin 3/3 (Oct. 2021).
Francis Delafosse... Plus de 5000 Missions sur Hélicoptères de la Sécurité Civile 2/3 (Oct. 2021).
Francis Delafosse... 35 Ans de Secours sur Hélicoptères de la Sécurité Civile 1/3 (Sept. 2021)
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Vincent Faucheux Auteur Halluinois de Romans "Jeunesse" (Mars 2018).
"Halluin La Rouge : 1919 - 1939" - Historique par l'Halluinois Dominique Vermander en 1978.
L'Halluinois Charles Dereu, médecin et poète.
Halluin - Abbé Alphonse-Marie Coulon... et l'Eglise Saint-Alphonse du Mont... Suite et Fin 4/4 (Historique).
Halluin - Abbé Alphonse-Marie Coulon... et l'Eglise Saint Alphonse du Mont... Suite 3/4 (Historique).
Halluin - Abbé Alphonse-Marie Coulon... et l'Eglise Saint-Alphonse du Mont... Suite 2/4 (Historique).
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8/7/2022
Commentaire et Photos : Presse - Daniel Delafosse