M. Emile Dansette,
Collectionneur d'Archives.
(Photo 8729 n° Img 732)
Le Collectionneur Emile Dansette :
l’Inconditionnel du Passé au Présent…
En 1996, il raconte son parcours dans la Presse Locale.
L’Halluinois Emile Dansette collectionne Tout, ou presque depuis 1938. Mais surtout les souvenirs qu’il partage volontiers avec qui le désire…
Domicilié à Halluin depuis 1947, Emile Dansette est né à Bousbecque (Nord) le 11 septembre 1919. A l’âge de 14 ans, il entre aux Ets Dalle et Lecomte, y travaille jusqu’à l’âge de 62 ans et quitte l’établissement en 1982. Il est alors décoré de la médaille du travail, échelon grand or.
Depuis des années et des années, le collectionneur halluinois amasse, classe et trie toute sorte de documents. Le 12 juin 1938, la terre tremble dans le Nord, et ce jour là, il décide de conserver tous les journaux locaux ou nationaux relatant un évènement important à ses yeux.
C’est ainsi qu’il a le récit du début de la guerre par coupures de presse. Dans sa collection, il possède quelques numéros dont il n’est pas peu fier. Ainsi , le tout premier « Nord Eclair », sorti de presse le mardi 5 septembre 1944, et qui annonçait en énormes caractères « Après quatre ans de dures servitudes, nous retrouvons la liberté. Vive la France ! Vive la République ! Vive de Gaulle ! ». C’était bizarre, note M. Dansette, parce qu’à Halluin, nous n’avons été libérés que le 6 septembre… ».
Pour la petite histoire, on retiendra que, pour la première fois dans la presse française, de la couleur était utilisée dans un journal : une immense croix lorraine bleu-blanc-rouge barrait la une, et la grande photo du général de Gaulle en dernière, était elle aussi dans un cadre tricolore.
Sachez aussi que « Nord Eclair » n°1 comptait quatre pages et coûtait 1 F de l’époque, avouez que cela n’est pas cher…
Conservés en bonne place également, les journaux de la guerre : la déclaration des hostilités, l’arrivée du Maréchal Pétain à la tête de l’Etat en juillet 40, l’explosion de la première bombe atomique sur Hiroshima début août 1945, l’exécution de Mussolini, sur l’assassinat de Kennedy etc. Et puis, celui du 22 juillet 1969, lendemain de la première victoire d’Eddy Merckx dans le tour de France, mais surtout de la première promenade sur la lune !
Coïncidence, trente ans plus tôt jour pour jour, le 22 juillet 1939 « La Croix du Nord » consacrait un article à la conquête de la lune « A quand l’annexion de notre satellite ? » s’interrogeait le journaliste.
« Pour neutraliser l’attraction terrestre, il faudrait réaliser au décollage des vitesses initiales d’au moins 15 km à la seconde. Nous n’en sommes pas là, mais qui sait si un jour, en possession de l’énergie intra-atomique, l’homme n’arrivera pas à s’envoler loin de la terre, et si une nation en quête d’un « espace vital toujours plus grand ne rêvera pas de conquérir des colonies planétaires ? ».
Le même jour, le quotidien rendait hommage à M. André Debuck, « un jeune Halluinois qui vient d’obtenir le 1er prix de piano, avec la plus grande distinction, aux examens musicaux de Gand. Toutes nos félicitations ».
M. Dansette prend plaisir à rapprocher les époques : ainsi, le violent orage qui s’est abattu au début de ce mois d’août 1991 sur Halluin « En 1978, ce fut bien pire », assure le collectionneur en sortant un « Nord Eclair » du 9 mai : « Trombes d’eau samedi sur la vallée de la Lys : plusieurs routes coupées, des centaines de caves inondées » annonçait le quotidien, photos à l’appui.
Documents par milliers.
Et puis, il est difficile de résister à la tentation de reprendre les promesses de nos élus, et de les comparer à la réalité : en avril 1984, le Conseil Général annonçait les grands travaux qu’il réaliserait en 84-85 sur le secteur de la Vallée de la Lys. « Rocade de la Lys, percée de la gare : d’ici un an » titrions-nous sur foi des déclarations du vice-président de l’instance départementale. En fait la percée de la gare fut réalisée en 1990, soit avec cinq années de retard. Quant à la rocade…
Tous ces trésors, Emile Dansette n’apprécie rien autant que les partager. En les sortant de leurs caisses à l’occasion d’une exposition, par exemple, comme il l’a fait lors de la Bourse bousbecquoise des collectionneurs en octobre 90, ou à l’occasion du 20e anniversaire du jumelage Halluin-Oer (Allemagne). Ou pour le 60ème anniversaire de la construction de l’église Notre-Dame des Fièvres, en septembre 1991.
En plus des vieux journaux qu’il conserve, c’est qu’il collecte également les images pieuses d’antan, les cartes postales anciennes, elles aussi précieusement protégées de l’usure du temps. Ce n’est pas tout ; le collectionneur détient des images mortuaires telles qu’elles étaient distribuées lors des funérailles. Pour archiver tout cela, même quand on est retraité, une journée ne compte que vingt-quatre heures !
Un Bousbecquois au Guiness Book !
S’il est une chose dont M. Emile Dansette n’est pas peu fier, c’est d’avoir fait entrer un Bousbecquois dans le très fermé Guiness Book des Records. Bousbecquois lui-même, le collectionneur a bien connu M. Henri Biaré, qui travaillait aux Ets Dalle et Lecomte. En fait, il y a travaillé très exactement pendant 67 ans et six mois, puisqu’il est entré à l’usine le 1er avril 1882 et n’a pris sa retraite que le 30 septembre 1949 !
Emile Dansette a envoyé au Guiness tous les documents attestant de cette exceptionnelle longévité, et dans l’édition 90 du Book, page 200, M. Biaré apparaît comme le recordman mondial du « salarié le plus ancien dans la même entreprise ! ».
Et M. Dansette ne comptait pas en rester : sa mère occupa en effet pendant 62 ans les fonctions de concierge à la salle bousbecquoise des Œuvres, rue des Bersaults. « Pour elle aussi, j’ai envoyé tous les documents, j’ai reçu un courrier du Guiness Book m’assurant que le record était homologué.
Aussi pour Emile Dansette, sa Passion majuscule, c’est l’histoire en général et la vie de la société qui l’entoure en particulier…
Rien ne l’arrête. Documents écrits, photographiques ou vidéo l’intéressent. Son magnétoscope est en alerte permanente, prêt à enregistrer tout ce qui « branche » Emile Dansette. Il doit sûrement être féru de généalogie ?, « Non, pas forcément. Je suis remonté en ligne directe jusqu’en 1794, mais c’est trop compliqué. Et surtout, je ne sais pas me concentrer sur une seule matière. Je suis un touche-à-tout ».
Et il le prouve : après une visite au musée de Wattrelos, il décide de fouiller dans ses « vieilles affaires » pour donner à cette institution ce qui peut l’intéresser. Il a retrouvé des fers à repasser et les a offerts à son fils. Dans une ancienne malle, il a retrouvé, collé à la paroi intérieure, un journal daté en 1884 ! « C’était 5 centimes le numéro » s’amuse-t-il. Comme il ne pouvait le détacher, risquant de le déchirer, il l’a photographié. Et il n’hésite pas à en faire profiter ses amis, sa famille ou… les lecteurs de la presse locale.
Souvenirs…
Emile Dansette possède également des centaines de documents anciens sur la vie de Bousbecque (Nord) depuis des décennies. Et il regrette de ne pas en faire profiter d’autres que ses proches, quand il lit des articles complets sur l’histoire de Linselles, de Wervicq, d’Halluin, de Roncq ou d’ailleurs.
Employé très longtemps au service du personnel à la papeterie Dalle, il a rencontré énormément de monde dans sa ville natale, qu’il a quittée après son mariage, son épouse Denise D’Huyvetter étant halluinoise…
Selon les périodes, ce sont 700 à plus de 900 ouvriers de la papeterie qui sont passés par le bureau d’Emile Dansette. Il les connaissait tous. En cette année 1991, il se rappelle encore des gens, mais de leur date de naissance plus encore que de leur nom. On ne contrôle pas une mémoire sélective !
Et s’il ressasse encore ses souvenirs de « chez Dalle » c’est que « on y a passé de bons moments. C’était une usine très familiale ». Il ne regrette pas ce « bon vieux temps » mais se demande si les gens ne sont pas devenus des numéros. Comme partout dans la société dont il dénonce l’individualisation sournoise et perverse.
« L’église de Bousbecque date du XVIe siècle peut-être ? Il ne faudrait pas creuser beaucoup pour le savoir précisément » avoue Emile Dansette prêt à collaborer à d’éventuelles recherches sur le sujet sur d’autres.
Il possède des archives datant des années 1870. Au moins. En 1979, avec Bruno Bonduelle, a été organisé le centenaire de la papeterie Dalle. Qui est-ce qui a monté une exposition ouverte à tous pendant une quinzaine de jours ? Oh, il est resté dans l’ombre, mais n’a pas pu résister à mettre au grand jour ses archives !
Il garde aussi les livrets de famille de ses ancêtres. Le plus ancien date de 1877 (ses grands- parents encore). Une vraie pièce de collection quand on sait que les livrets de famille français n’ont été institués qu’en 1875 !
Clic-clac ! A tout va…
Emile Dansette ne se contente pas de classer, trier, ranger les documents qui lui tombent sous la main. Il a bien compris que l’histoire se faisait au jour je jour et que c’était au présent qu’on pouvait la capturer.
Alors quand un bâtiment va être démoli, qu’une prairie va laisser la place à des habitations, il prend son appareil et « Clic-Clac ! » c’est dans la boîte ! Il photographie les lieux avant, pendant et après les changements pour se constituer des archives incroyablement riches en souvenirs.
Il fait aussi profiter le journal « La vie chez nous » de ses talents et de sa passion en prenant des photos de la salle paroissiale ou, actualité oblige, du port fluvial tout récemment inauguré. Il a encore des négatifs datant de… 1936 !
Ceci dit, il marche tourné ver l’avenir, en s’impliquant énormément dans la vie associative et aimerait bien que les jeunes suivent sa trace, désolé de voir la société s’individualiser à outrance, et ne plus prendre en charge l’écriture de sa propre histoire.
Aussi, Emile Dansette est devenu en 1982, trésorier de l’association des retraités CFDT et en février 1990 du Comité de Gérontologie. Il s’occupe également de la gestion de la paroisse Notre-Dame des Fièvres, et tout comme son épouse Denise Dhuyvetter (Décédée en 1999) il est membre de l’Association Familiale et de « Halluin-Voyages-Amitié »
Transmettre des valeurs.
« Les problèmes ne sont plus les mêmes, accepte-t-il avec clairvoyance. « Je pense qu’il faut les résoudre avec des solutions actuelles dit-il, certains que les « actifs » pourraient s’ils se mettaient ensemble, trouver quelques palliatifs au fléau nommé « chômage ».
« Je veux juste transmettre des valeurs que j’ai vécues. J’ai toujours essayé de me tourner vers les autres ». Si tout le monde en faisait autant, c’est sûr qu’il y aurait du changement.
D’autant qu’à le voir, cette passion des autres, les projets sans cesse renouvelés lui donne un dynamisme et une vivacité incroyable pour le plus grand plaisir de ses quatre garçons et leurs petits-enfants.
19/1/2012.
Commentaire : Daniel Delafosse
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