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Le cardinal Liénart, rue Gustave Desmettre, lors des cérémonies

 du centenaire de l'église St Hilaire à Halluin,  le 21 Mai 1956.

(Photos n° 4019, 4020)

 

Une « thèse » de Catherine Masson

sur le cardinal Liénart... son grand-oncle.  

 

Voici le troisième et dernier volet consacré au cardinal Achille Liénart, avec qui  la population halluinoise a écrit une partie importante de son histoire sociale.

 

Né à Lille, le 17 Février 1884, Achille Liénart est élevé à la dignité de Grand-croix dans l’Ordre national de la Légion d’honneur, le 16 février 1970, par le président de la République Georges Pompidou.

 

Lors du décès du cardinal Liénart, survenu le 15 février 1973, le journaliste Claude Beaufort écrivait ceci : « Cette sympathie populaire, nulle démagogie ne saurait l’expliquer. Elle ne peut se comprendre que par l’authenticité de celui qui la suscitait ; une authenticité de l’homme qui le faisait reconnaître d’emblée comme l’un des meilleurs : un aristocrate du peuple de Dieu ».

 

En 2001, Maître de conférences à la Catho, Catherine Masson a présenté, lors d’une conférence, la thèse de doctorat en histoire qu’elle a soutenue sur le cardinal Achille Liénart. Lequel fut son grand-oncle…

 

Catherine Masson a limité cette « bible » de 700 pages au travail de l’évêque de Lille. Travail immense cependant qui a donné au jeune diocèse de Lille (créé en 1913) une dynamique pastorale durable. 

 

Voici quelques grands traits résumés : 

 

LILLOIS : Né à Lille, mort près de l’église où il avait été baptisé. Grand-oncle de Catherine Masson. « Ca n’a pas été évident pour moi de passer de l’oncle Achille au cardina Liénart. Mais au bout de ma recherche, le personnage mythique est devenu plus proche, car plus humain » dit-elle. Vie familiale équilibrée. Les Liénart-Delesalle ont trois enfants. Achille fait ses études au Collège Saint-Joseph (rue Solférino), puis au séminaire à Paris.

 

SOLDAT : Pendant ses études (1901-1910), il est déjà en contact avec le catholicisme social. « Mais c’est la guerre qui l’ouvre à ces réalités-là » note Catherine Masson. Aumonier volontaire au 201e régiment d’infanterie, il a une conduite exemplaire. Le 14 août 1917, le général Pétain épingle sur sa soutane la croix de chevalier de la Légion d’honneur. « Toujours en première ligne avec les vagues d’assaut, donnant à tous le meilleur réconfort moral, et se prodiguant sur le champ de bataille auprès des blessés » indique la citation.

 

CURE-DOYEN : Après la guerre, il devient directeur du séminaire de Lille, qui vient de se créer. Puis, il est nommé curé-doyen de Saint-Christophe, à Tourcoing, en 1926. « Il voulait rendre visite à tous ses paroissiens » raconte un témoin de l’époque. Mais il n’en a pas eu le temps : en 1928, à 44 ans, il est nommé évêque de Lille – c’est le plus jeune évêque de France.

 

 EVEQUE : Puis, tout de suite, nomme cardinal (1930). « C’était un évêque sensible au signes du temps » commente Catherine Masson. Dans les années 30, il est confronté à la crise économique et sociale, et à la tension qui monte entre le « consortium textile », où se trouvent beaucoup de patrons chrétiens, et les « syndicalistes », chrétiens également. Le cardinal a favorisé le dénouement de la crise, un happy end rendu possible par la reconnaissance par Rome en 1929 du syndicalisme chrétien…

 

Période aussi d’une grande vitalité pour l’Eglise de France, avec l’essor de l’Action catholique. « Ses initiatives pastorales sont marquées par ce souci : comment annoncer Jésus-Christ à un mode marqué par le matérialisme ? ».

 

CARDINAL DES OUVRIERS : Ou : « cardinal rouge ». « L’expression ne lui correspondait pas du tout, car son action s’est étendue à tous les milieux » dit sa petite-nièce. Y compris aux hommes politiques. Ainsi, démarches inédites, à peine nommé à Tourcoing le curé Liénart rend visite au maire Gustave Dron, puis à Lille, au maire socialiste Roger Salengro… Toute sa vie, l’évêque gardera cette conviction fondée sur le Décalogue : l’Eglise doit intervenir en matière sociale. Ce qui ne fait pas pour autant de lui un communiste : « Le communisme est engageant là où il n’est pas le maître, et repoussant ailleurs » note-t-il en octobre 1936.

 

PRESIDENT : En 1940, il devient président de l’assemblée des cardinaux et archevêques. « Il a quelque difficulté à saisir la dimension politique du moment. Il ne veut qu’être pasteur au service de tous et de l’Eglise » commente Catherine Masson. Un leitmotiv : rester à son poste. Comme Pétain… L’ancien poilu éprouve un attachement très fort envers le maréchal, mais manifestera cependant quelques réticences vis-à-vis du programme pétainiste.

 

« Il ne se rend pas compte que le gouvernement de Vichy est un jouet aux mains des Allemands ». Catherine Masson ajoute que, malgré tout, elle n’a rien trouvé chez le cardinal qui puisse être considéré comme de la collaboration. Rien non plus sur la persécution des Juifs. Juste quelques positions ambigües sur le STO…

 

FIDELE : Après la guerre, l’image du cardinal est un peu ternie. Mais pas salie : en octobre 1944, il est invité à la réception donnée en préfecture avec de Gaulle… Dans les années 50, il est confronté à deux difficultés : l’implication des prêtres dans un combat ouvrier de plus en plus marqué par le marxisme, et dans le même temps, la diminution des vocations.

 

Le cardinal se soumet aux décisions romaines, mais ne coupe pas les ponts avec ses ouailles. Lesquelles retrouvent le bercail quand Rome, ne octobre 1965, reconnaît les prêtres-ouvriers… « C’était un homme d’action et de terrain avant que d’être un homme de pensée »  conclut Catherine Masson. 

 

Le cardinal est décédé en 1973, mais il est encore vivant dans le cœur des gens du Nord. Présent dans toutes les mémoires. Car le cardinal Liénart a marqué son temps, il a marqué l’histoire. En raison d’abord d’une extraordinaire « longévité » :

 

Achille Liénart a été l’évêque du diocèse de Lille pendant 40 ans, de 1928 à 1968 ! En raison aussi, il faut bien le dire, de cette étiquette aux termes a priori contradictoires, de « cardinal rouge ».

 

Tout cardinal qu’il fut, Achille Liénart n’en était pas moins homme : il lui est arrivé de se tromper. A tout le moins de ne pas savoir – pouvoir ? – lever toutes les ambiguités de sa pensée, notamment pendant l’Occupation. Comme l’a dit le « troisième successeur » du cardinal Liénart, Mgr Gérard Defois, en préambule à la conférence sur la thèse de la petite nièce :

 

 « Le livre de Catherine Masson n’est ni un panégyrique, ni un procès, mais une fresque d’histoire qui ouvre un débat… J’en retire une certaine humilité : être responsable, c’est prendre les risques de son temps ».

 

Et « le temps » d’Achille Liénart a été, simple euphémisme, difficile à l’excès. La Grande guerre d’abord, où, aumônier exemplaire, il est pendant quatre ans au plus près des hommes du 201e régiment d’infanterie, c’est-à-dire au plus près du danger. La France du Front Populaire. Celle de Pétain. Les grands combats sociaux de l’après-guerre, son soutien sans faille aux prêtres-ouvriers…

 

Mais jamais, quelles que soient les circonstances, quels que soient les combats, sa popularité auprès de ses diocésains n’a faibli. Comme l’écrit Catherine Masson : 

« Il fut un homme de dialogue, de conciliation, de conviction, fidèle d’un bout à l’autre à ses grandes options, soucieux, mais sans exclusive, d’atteindre les masses déchristianisées, et surtout le monde ouvrier… ».

 

16/2/2011.

Commentaire : Daniel Delafosse