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Années 1940/1945.
Halluinois prisonniers de guerre au stalag "17".
(photo n° 2288)

 

Robert Tiquet raconte ses souvenirs rattachés,

 pendant 30 mois, au Service du Travail Obligatoire. 

 

Ancien Tourquennois, Robert Tiquet s’était retiré à la Maison de Retraite du Mont à Halluin. En Janvier 1997, alors âgé de 74 ans, cet halluinois d’adoption a bien voulu raconter ses années  de guerre, et en particulier les 30 mois liés au Service du Travail Obligatoire.

 

M. Tiquet se raconte, et ses souvenirs rejoindront  sans doute ceux de beaucoup d’hommes de sa génération.

 

« Je voudrais que tous les jeunes aient du travail. De mon temps, on entrait à l’usine dès 13 ans et l’emploi ne manquait pas.  Même si elle a connu la guerre, ma génération a eu une belle petite jeunesse et aussi de bonnes années ».

 Effectivement, il a connu l’usine dans le textile, à peine sorti de l’enfance, et pourtant il ne s’en plaint pas, bien au contraire, et déplore « l’instabilité qui règne aujourd’hui dans le travail ».

 

A partir de 1942, Robert Tiquet a été employé par une entreprise de chauffage central, ce qui ne l’a pas empêché d’être appelé pour le S.T.O. (Service du Travail Obligatoire) en Allemagne.  Pendant 30 mois, il a été contraint de travailler en usine dans une commune située à 33 kilomètres de Leipzig, avant d’être libéré par les Américains.

 

Aujourd’hui encore, il conserve dans son portefeuille deux cartes toutes abîmées, précieuses reliques de cette époque. L’une est une « kontrollkarte » qui permettait de recevoir une ration de tabac, l’autre est une carte de rapatrié.

 

« Je suis parti en mars 1943 et je ne suis revenu en France qu’en juin 1945. Je n’ai pas eu le choix car si je m’étais enfui pour échapper au S.T.O., un de mes frères aurait été emmené à ma place » affirme Robert Tiquet, deuxième fils d’une famille de quatre garçons et une fille.

 

« Là-bas, j’ai côtoyé des prisonniers de toutes les nationalités : des Hindous, des Russes… Certains Allemands étaient bons, d’          autres mauvais, comme dans tous les pays du monde. Par contre, les SS, c’étaient vraiment des saloperies » poursuit-il en dévidant l’écheveau  de ses souvenirs, avec parfois une virulence que l’âge n’a pas entamée.

 

Robert Tiquet a néanmoins eu de la chance, car la région où il se trouvait a été bombardée à plusieurs reprises : « c’était en plein midi et certains de mes copains en sont morts explique-t-il. Nous sommes partis dans un autre camp , qui a été bombardé lui aussi ».

Quand est arrivée l’heure tant attendue du retour au bercail, le trajet n’a pas été de tout repos, c’est le moins que l’on puisse dire !

 

« Les Américains se sont occupés de nous et nous ont installé dans des wagons à bestiaux, raconte-il en riant. Le voyage a duré une semaine, car beaucoup de voies ferrées étaient démolies. Après Thionville, nous avons été placés dans de plus beaux trains, jusqu’à notre arrivée à la gare de Lille.

Ensuite nous avons pris le mongy pour rejoindre Tourcoing où le centre de rapatriement se trouvait rue Carnot. De là, nous étions reconduits chez nous par des bénévoles ».

 

Pas évident, ensuite de reprendre une vie « normale », même si, comme Robert Tiquet, on retrouve l’entreprise de chauffage central où on était employé avant les hostilités.

 

« Non, ce n’est pas facile de se remettre, de renouer avec les activités d’avant, surtout après avoir vu tout ce que j’ai vu pendant la guerre… affirme-t-il avec beaucoup de pudeur. Mais on n’avait pas le choix, il fallait reprendre le dessus.Ces épreuves ont fait du mal à tout le monde, mais elles nous ont endurcis ».

Son vœu pour l’avenir : « La paix avant tout, et plus jamais de guerre ». Un souhait qui en dit long, plus de cinquante ans après…

 

Quelques années après la guerre, Robert Tiquet s’est marié à Viviane Desmarchelier. Trois ans après venait au monde une petite fille. Le loisir favori du nouveau mari était la musique.

 

« J’ai commencé à jouer de la musique un ou deux ans après mon retour d’Allemagne. J’ai suivi des cours, puis, pendant une dizaine d’années, j’ai fait partie d’un orchestre tourquennois baptisé « Blue Star » qui se produisait à Tourcoing, Roubaix et… passait même la frontière pour jouer en Belgique !

 

J’ai interprété des morceaux de jazz, de musette, des valses, du tango, du paso-doble… A l’époque, il n’y avait qu’un seul micro sur scène, pour le chanteur, et pas toutes les machines de maintenant ».

 

Nous allions jouer en Belgique, car nous étions mieux payés qu’en France : avec le change, c’était intéressant, sur une soirée, j’avais gagné ma semaine… » D’autant que ces musiciens futés allaient ensuite changer l’argent belge là où cela leur rapportait le plus, au Mont-à-Leux… ».

 

le 16/9/2010.

Commentaire : Daniel Delafosse