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En 1916, les soldats allemands stationnent place de l'église,

devant le café du lion d'or et celui du Saint Sébastien.

 (photo n° 1881)

 

1915 : Halluin ville occupée. 

 

1915, dix ans à peine après l’application dans la commune de la loi de séparation des églises et de l’état, la situation est autrement tragique. 1915, c’est une année de guerre pour Halluin située dans la zone envahie très proche du front.  

 

Voici le récit de l’historien halluinois Roland Verkindère :

 

Depuis juillet-août 1914 les évènements se sont précipités. Service militaire à trois ans, Jaurès assassiné et après la déclaration de guerre de l’Allemagne à la France, mobilisation générale, union sacrée. 

Même les pères de quatre enfants sont appelés. Halluin comptera plus de 2 500 mobilisés qui ne reverront plus leur commune avant, au mieux novembre 1918.

 

La réalité pour Halluin est cruelle. A la mi-octobre les troupes ennemies occupent la ville, pour quatre ans. Avec immédiatement des mesures à prendre afin d’assurer un minimum de ravitaillement. 

Au mois d’août 1914 le conseil municipal se réunit chaque semaine et tente d’organiser les répartitions. En octobre il est conduit à émettre du papier-monnaie communal pour honorer les dépenses municipales et apporter de l’aide aux plus pauvres.

 

15 480 habitants

 

Devant les demandes de plus en plus pressantes des autorités d’occupation, le maire, Pierre Defretin, s’efforce d’apitoyer l’autorité militaire occupante en rappelant la modestie des ressources de la commune.  Comme en témoigne une note remise à l’intendance militaire allemande :

 

«  La ville compte 15 480 habitants : 11 480 au Bourg, 4 000 dans les hameaux (Colbras et Mont). Les hameaux comportent des maisons isolées, habitées le plus souvent par de pauvres ouvriers. La Ville est très endettée. Pour installer sa distribution d’eau, ses écoles, son hospice, son abattoir, son cimetière, ses chemins, etc… elle a dû faire des emprunts successifs sur lesquels elle doit encore plus d’un million.

 

16 % des habitants acquittent la contribution mobilière. C’est peut-être la proportion la plus faible qui existe dans le Nord de la France. C’est une ville de travailleurs et de pauvres où ne se trouvent ni théâtre, café-concert, ni spectacle… La population se répartit entre 3600 familles sur lesquelles actuellement 2500 sont assistées par le bureau de bienfaisance et l’Etat… »

 

En 1915 Halluin se voit imposer et vivre à l’heure allemande. Lourde et pénible atmosphère. Au point de provoquer une crise majeure quand il est constaté notamment que certaines entreprises se voient contraintes de tisser des sacs pour contenir la terre des tranchées ou des meurtrières en bois utilisées dans les lignes ennemies sur le front.

 

Les élus sous la menace

 

Du 26 au 30 juin la tension atteint son paroxyme. Le 30 juin 1915, à 9 h du soir le conseil municpal et les notables (une soixantaine de personnes dont certaines emprisonnées depuis deux jours) se sont réunis à l’usine de M. Loridan, rue Saint-André, (actuelle rue Gabriel Péri) sur la convocation et sous la Présidence de Pierre Defretin, maire.

 

Le premier magistrat est partisan de la résistance mais il ne veut pas assumer seul la responsabilité d’une décision aussi importante : refuser de payer les sacs et objets destinés aux tranchées et de conseiller aux ouvriers la reprise du travail.

 

Vers 23 h, le commandant Schranck accompagné de son interprète et de soldats en armes porteurs de fallots, fait son entrée dans la salle Loridan et s’avance jusqu’au bureau. Une déclaration est lue contenant les dernières demandes de l’autorité supérieure :

 

« Que tout ce que nous avons besoin pour l’entretien de nos troupes soit fabriqué par les ouvriers du territoire occupé, que tous les ouvriers reprennent le travail sans délai ».  

Sinon : arrestation immédiate de tous les membres présents, déportation de la municipalité, isolement en forteresse, déportation en Allemagne, au régime des travaux forcés du conseil municipal et des notables, amendes, interdiction de circuler, « affamation » de la ville, cantonnements supplémentaires et dernières extrémités ; anéantissement de la ville et suppression de vies humaines, pour le général en chef la vie d’une population de 15000 habitants important peu ».

 

A une légère majorité (28 voix contre 25) l’assemblée se prononce, sous la contrainte et les menaces, pour la reprise du travail afin d’éviter à la population le pillage, l’incendie et le meurtre.

 

23 h30, le commandant rentre en séance. Le maire lui fait part du résultat. Le commandant donne sa parole d’honneur d’officier et d’homme d’intervenir, aussitôt la reprise du travail, auprès du général pour faire cesser autant et aussi vite que possible la fabrication d’objets destinés aux tranchées.

 

Les otages restent en prison

 

L’administration et les otages restent en prison jusqu’à la reprise du travail ; les conseillers municipaux et notables sont libres. La reprise du travail se fera non sans réticences. 

La tension dramatique de juin 1915 laissera des traces. Par ailleurs, prise sous la contrainte pour éviter le massacre, la décision de la nuit du 30 juin alimentera longtemps les polémiques et notamment en 1919, Halluin occupée fin 1914 et en 1915, c’est une population dispersée, évacuée dans les pires conditions.

 

Libérée en octobre 1918, en ruines, maisons bombardées, usines pillées et pour la plupart détruites, Halluin n’atteignait de nouveau 6500 habitants qu’en décembre 1918.

 

Comme l’écrit l’Abbé Demeulenaere en cette fin 1918 : 

« Sur les ruines accumulées par la guerre, la vie commence à s’épanouir de nouveau ».

 

15/11/2010.

Commentaire : Daniel Delafosse