En 1944, une voiture -citroën- de FFI,
avec drapeau tricolore, victime d'une crevaison.
(en face de l'école Sainte-Marie et de la Mairie, place de l'Eglise).
(photo n° 3020)
La Libération d'Halluin - Septembre 1944
Le 2 septembre 1944, les résistants entraient en action,
quatre jours pour libérer Halluin.
Récit paru dans la presse locale en 1994.
Ils avaient tous à peu près vingt ans lorsqu’ils sont devenus les témoins et les acteurs, les artisans même parfois de la Libération d’Halluin.
Pendant quatre ans, ils ont connu leur ville prise dans les chaînes de l’occupation ennemie. Il s’agissait donc pour eux de relever un défi juste et suprême : rétablir la situation d’avant la guerre, et redonner la liberté à leurs concitoyens ;
Pour ce faire évidemment, la population ne pouvait compter que sur sa jeunesse encore présente en ville. Celle-ci était en effet souvent clandestine et engagée dans les Forces Française d’Intervention.
En 1994, cinquante ans plus tard, les jeunes de ce temps ont maintenant l’âge de se remémorer cet épisode particulièrement marquant de leur vie. Chacun enrichit la mémoire collective d’un détail qu’on croit insignifiant. C’est pourtant grâce à eux que l’on peut reconstituer les faits et l’ambiance qui régnaient alors.
Alfred Simono (1923 - 2007)
Chevalier de l'Ordre national du Mérite.
Lieutenant FFI-FTPF
Capitaine honoraire des troupes de Marine
Président d'honneur de l'ARAC Halluin.
(Photo DD 13485 n° Img 071)
Alfred Simono avait tout juste 21 ans à l’heure où de terribles responsabilités pesaient comme une épée de Damoclès au-dessus de la tête de jeunes garçons et filles sortis de l’adolescence pour entrer dans la Résistance ou simplement « entrer en patriotisme » par conviction mais aussi presque par instinct de survie.
Pas de « collabos »
« On peut dire qu’à Halluin, il n’y avait pas de collaborateurs pendant la guerre », souligne cet ancien engagé F.F.I., ce qui évidemment à faciliter la tâche de tous ceux qui sont venus se joindre au petit groupe de Résistants de la première heure, pour libérer définitivement leur ville et leur pays en précipitant la fuite des Allemands.
Le groupe des Halluinois ayant pris part aux combats de la Libération.
Cliché historique du 16 septembre 1944,
dans les jardins de l'Union Patronale, rue de Lille.
(Photo n° 3044)
« Le samedi 2 septembre, un mouvement spontané s’est produit parmi les jeunes d’Halluin, et pendant deux jours nous n’avons pas dormi ».
Le but étant de maintenir la pression sur les convois allemands en direction de la Belgique, pour les faire fuir plus vite en tirant depuis les maisons.
En tout, ils sont plus d’une centaine à avoir eu le courage d’agir pour faire triompher le patriotisme, que ce soit en tirant sur les colonnes blindées avec des pistolets impuissants face à l’artillerie allemande, ou en cachant chez soi des Résistants clandestins.
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Acte de Résistance
Alfred Simono est entré dans son réseau de Résistance en 1941. Le plus souvent, les actions émanaient d’un chef qu’il ne connaissait pas tant il fallait prendre de précautions, et étaient menées à l’extérieur d’Halluin. Il se souvient que :
« Le cloisonnement des réseaux était total. Rien ne filtrait : la plupart du temps nous ne savions pas de qui émanait l’ordre et encore moins d’où il venait. On ne savait donc pas comment tout cela était organisé.
De notre côté, il fallait parler le moins possible pour éviter les représailles. Par exemple, même mes parents chez qui j’habitais pourtant, ignoraient que j’étais Résistant : c’était bien plus sûr et pour eux et pour moi ».
Clandestin
Pourtant un soir de 1944, quelques jours avant les évènements qui aboutirent à la Libération, la Gestapo a débarqué au domicile de ses parents alors que toute la maisonnée était encore endormie, avec la ferme intention de l’arrêter. Heureusement, il avait été prévenu par le bouche-à-oreille de l’imminence de cette rafle.
« En apprenant cela, je suis allé me réfugier chez le père d’un de mes amis d’enfance qui était médecin à Halluin à l’époque.
On peut dire que ces gens qui m’ont caché ont réalisé un acte de Résistance parce que leur famille risquait gros. Bien entendu comme j’étais clandestin, je n’avais pas de tickets de rationnement, et pour décharger les gens chez qui j’étais caché, le réseau me faisait parvenir des tickets.
Mais à cette époque, je ne savais pas qui venait les mettre dans la boîte aux lettres. D’ailleurs je ne l’ai appris qu’il y a trois ans : c’était Mme Vanackère qui était la seule à savoir où j’étais ».
Par la suite, Alfred Simono a quitté Halluin pour rejoindre Lille où la Libération se préparait activement. Il n’est d’ailleurs revenu que le 2 septembre au matin à l’heure H déterminée par les F.F.I.
Une armée sans armes
« Il fallait l’inconscience de la jeunesse pour marcher presque sans armes contre des blindés et des soldats munis de mitraillette ! C’est d’ailleurs parce que nous étions inconscients et pleins d’espoir que la Libération s’est faite si vite ».
La troupe des F.F.I. était donc sous-armée. Pourtant, pour l’occasion finale que fut la Libération, une réunion avait été organisée afin de faire fusionner les différents groupes (parmi lesquels le W.O. et les Francs-Tireurs). A partir de ce moment-là, l’histoire était en marche.
« Les premiers tirs éclatèrent au carrefour de la banque Scalbert rue de Lille. Je me souviens avoir marché contre un char avec un camarade, armé seulement d’un petit pistolet. Je n’ai dû mon salut qu’à la présence de nombreux Allemands qui auraient pu être tués si le char avait tiré.
Place de l'Eglise (actuelle Place Abbé Bonpain) Halluin,
les F.F.I veillent, la ville n'est pas encore tout à fait libérée.
(Photo VdN DD 13483 n° Img 057)
Les troupes de l’armée allemande se repliaient, c’était une vraie débandade. Il y avait même un tireur isolé llemand posté en haut d’une cheminée d’usine qui tirait sur tout ce qui bougeait.
Pendant deux nuits, je n’ai pas pu dormir. Après la prise facile de la gendarmerie et du commissariat, nous avions été repérés, et il fallait que nous nous cachions. Nous avons été cachés par « les sœurs de la sagesse » dont le couvent se trouvait rue de Lille : quand les Allemands ont tapé à leur porte et ont demandé si des Résistants étaient là, elles ont répondu non. Un pieux mensonge en somme ».
Liberté
La joie éclate enfin après l'arrivée des Anglais.
(Photo VdN DD 13484 n° Img 083)
A l’arrivée des Anglais, les F.F.I. ont bien sûr participé à l’explosion de joie dans la ville.
La population s’est rattrapée des quatre ans de privation de bals et de dancings. Les F.F.I. eux ont été incorporés dans le 43e R.I. dès le 16 septembre. Mais ils n’ont rien regretté : «La liberté était tellement bonne à vivre ».
La jeunesse halluinoise exulte
après la Libération de la ville.
(Photo VdN DD 13482 n° Img 100)
En septembre 2004, lors du soixantième anniversaire de la Libération d’Halluin, Alfred Simono estime qu’il est un survivant depuis soixante ans :
« J’ai été résistant dans les FTP. Je n’ai pas été pris, je n’ai pas été blessé. Alors je me considère en sursis depuis 1944. Tout ce que la vie m’apporte, je le prends ».
Il est l’un des derniers acteurs de la libération d’Halluin. Un des survivants, quand d’autres ont laissé leur vie pour la liberté. Ils se nomment : Arthur Dennetière, Maurice Simono, Marthe Nollet, Charles Windels, Henri Deceuninck, Michel Danset qui allait avoir 16 ans…
Alfred Simono se souvient des combats rue de la Lys : « Je suis resté trois jours sans dormir ; Après je me suis écroulé dans une réserve de l’usine Desmettre où il y a le Val de Lys actuellement et j’ai dormi...
Les Allemands, eux, continuent leur fuite vers la Belgique. Ce n’était plus une armée, c’était un troupeau ».
La Libération d’Halluin allia joie et tristesse
« Le 6 septembre, certains faisaient la fête d’autres pleuraient leurs morts… C’était une drôle d’ambiance ».
Au matin de ce 6 septembre, le pont de Menin est dynamité et les troupes anglaises, qui arrivent de Bousbecque et Roncq entrent dans la ville.
La joie et le deuil
John Webster, un agent de transmission écossais est le premier à pénétrer dans la ville.
1er à gauche :John Webster au Cimetière, en septembre 1994,
pour le 50ème anniversaire de la Libération d'Halluin.
(Photo VdN DD 13486 n° Img 049)
Lors du cinquantième anniversaire de la Libération d’Halluin, il était présent à Halluin pour évoquer ses souvenirs :
« Nous devions rejoindre Courtrai et avons passé Lille par l’ouest. A u moment, j’ai vu une barrière, j’ai pensé que c’était le chemin de fer. En fait nous étions à la frontière d’Halluin.
C’était le 6 septembre à 3 heures du matin, et en trois minutes la rue était remplie de monde.
Je me suis retrouvé comme un joueur de rugby dans la mêlée. La brigade devait arriver et le pont de la Lys était détruit. Nous avons rejoint Courtrai par une petite route à droite de la rivière ».
6 septembre 1944 : Arrivée des Britanniques au centre d'Halluin,
on aperçoit, à l'angle de la rue de la Gare et de la rue de Lille, à gauche :
l'ancien bâtiment de la Banque Scalbert et les habitations (parking actuel).
(Photo n° 2435)
Les libérateurs qui apportent aussi du savon, du chocolat, des cigarettes, sont accueillis par une foule en liesse.
« La population n’avait pas fait la fête pendant quatre ans. Aussitôt, elle organisa des bals mais il y avait aussi pal mal de familles en deuil. Il y a eu aussi quelques débordements… ».
Alfred Simono est passé à Menin (B) et continue les combats. « Il fallait leur donner un coup de main ».
Il défile ensuite aux côtés des résistants belges pour honorer les martyrs. Celui qui eut comme nom de résistant « Tartuffe », l’étudiant en droit que la résistance a contraint à arrêter ses études, s’est ensuite engagé dans l’armée pour participer à la reconstruction de la France.
A Halluin, d’autres ont pris son relais. L’industrie devait être relancée ; certains édifices reconstruits.
Funérailles de M. Alfred Simono
le 14 août 2007 à Saint-Hilaire Halluin.
(Photo VdN DD 13499 n° Img 143)
M. Alfred Simono est décédé le 9 août 2007, dans sa 85ème année.
4/9/2010 et 4/9/2012.
Commentaire : Daniel Delafosse