A gauche : Julien Vandekerckhove assis sur le lit en train de peindre, à Coblence.
Cet ancien halluinois est décédé en 1991 à Seclin, où il a passé les dernières années de sa vie.
(Photo NE DD 33151 n° Img lib)
En 1944, une voiture -citroën- de FFI,
avec drapeau tricolore, victime d'une crevaison.
(en face de l'école Sainte-Marie et de la Mairie, place de l'Eglise).
(ARPH DD 33526 n° 03020)
La Libération d’Halluin - Septembre 1944 :
Les Souvenirs de Julien Vandekerckhove,
Lieutenant, Commandant des F.T.P.F. d’Halluin,
lors des Combats de la Libération de la Ville.
Les actes de bravoure de Yolande Vanackère, une résistante inébranlable, pendant la guerre 39-45, lui ont valu en 1946 une médaille de la part des Américains, puis en 1986, la médaille de la Résistance et la Croix du Combattant volontaire.
C’est elle également qui a rédigé le récit qui suit, d’après les mémoires de son défunt mari, Julien Vandekerckhove, membre du mouvement de résistance des F.T.P.F. d’Halluin, qui vécut de très, très près les évènements qui précédèrent la Libération d’Halluin, le 6 septembre1944.
En Septembre 1944, Julien Vandekerckhove Commandant F.T.P.F.
au centre, 2ème rang avec le brassard blanc.
(ARPH DD 33525 n° lib)
Récit :
« En mars 1944, j’étais agent de renseignements des F.T.P.F. de Roncq et Halluin…
Le 31 août 1943, Charles Jacquier, Roger Gallez et moi-même nous avons incendié les stocks de lin destinés aux Allemands, appartenant à MM. Auguste et Léon Vervisch, chemin de Neuville.
Un deuxième incendie fut organisé le 30 octobre, et un troisième vers le 14 avril 1944.
En 1944, j’entrai en contact avec un graveur de Tourcoing, M. Gunther, à qui je demandais de rejoindre la Résistance. Il accepta et me fournit les griffes dont nous aurions besoin pour la libération.
Les 28 juillet 44 et 4 août 1944, à la suite de deux rafles dans les groupes des F.T.P.F. d’Halluin, où dix patriotes furent arrêtés à la suite d’une dénonciation, tout fut désorganisé.
Les quelques responsables restants étaient en fuite. A la suite d’une réunion à Tourcoing entre Marcel Devriese (alias colonel Robert) et d’une dame assurant la liaison, je m’offris pour regrouper les quelques membres encore effectifs. En 15 jours, avec anciens et nouvelles recrues, je rassemblais 25 résistants et récupérais quelques armes.
Par la suite en juin 44, je demandai aux docteurs Henri Bolvin et Alphonse Geerlandt de nous rejoindre. Ils acceptèrent.
Par un renseignement de Mme Desreveaux, je découvris un dépôt de munitions et d’armes chez Cyrille Lagae, au Colbras. Ce dernier avait été arrêté par la Gestapo. Le matériel fut entreposé au bois de Bousbecque puis chez moi, transporté à bord d’une baladeuse avec l’aide des douaniers Janot et Le Dily.
Le 24 juillet 1944 à 8 h du matin eut lieu une perquisition de tickets de ravitaillement à la mairie d’Halluin, sous mon commandement. Une réussite parfaite sans incident.
Pendant toute l’occupation, en contact avec Cyrille et Louis Vaes, tous deux dans la police locale, je pus très souvent avertir des rafles à venir. La nuit, dans les rues d’Halluin, je distribuais des tracts, souvent en bicyclette, pour la résistance et malgré les troupes d’occupation.
En 44, d’accord avec divers douaniers, j’organisai des collectes d’argent qui nous ont rapporté des milliers de francs, pour la résistance. Nous les remettions chaque mois à Mme Bléhaut.
En 43 et 44, nombreux sont les réfractaires qui obtinrent des tickets de ravitaillement ainsi.
« Dans la nuit du 26 au 27 août 44, je rassemblai tous mes hommes et les mis à l’épreuve. Deux à Neuville pour couper les fils téléphoniques de l’état-major allemand. Deux à Roncq chargés du même travail. Le reste des hommes au Mont d’Halluin ou j’étais présent.
Nous coupâmes les câbles téléphoniques souterrains et les fils aériens. A 150 mètres d’un poste de surveillance, face au café « Halte-là ». Tout a réussi, sauf à Roncq où ils avaient dû fuir devant une patrouille allemande avant d’avoir accompli leur mission.
La nuit du 31 août au 1er septembre 1944, je rassemblais à nouveau des hommes sur la route nationale de Lille à Halluin. Nous jetâmes des crampons sous les pneus des voitures allemandes. La nuit suivante, même opération, avec succès à nouveau : au matin, quatre voitures en panne et d’autres à plat, causant ainsi un retard important dans leur retraite. La même nuit, nous avions déposé des mines en forme de crottin de cheval, mais celles-ci n’explosèrent pas, soit par suite d’humidité, soit d’ancienneté.
Nous entendions à grande distance, dans la nuit calme, les cris furieux des Allemands en panne sur la route entre Roncq et Halluin. Nous avions choisi cet endroit désert afin que les Allemands ne puissent se venger sur les habitants des maisons voisines.
L’Assaut Final par le Lieutenant Julien Vandekerckhove,
lors des Combats de la Libération d’Halluin :
Mme Yolande Vanackère, veuve Graye, un courage exemplaire,
une résistante halluinoise, en 1994 presque non-voyante
et membre de l'ARACT.
(Photo Nord Eclair DD 33152 n° Img 466)
raconté, par son épouse d’alors Yolande Vanackère,
en 1994, récit écrit à la première personne :
Le matin du 2 septembre 1944, un billet du colonel arriva chez moi,me donnant l’ordre d’attaquer les Allemands et de me rendre maître de la ville. Nommé lieutenant commandant, dès 12 h 40, nous attaquions avec un fusil antitank, un fusil mitrailleur, une mitraillette, dix revolvers et quelques grenades.
Nous avons commencé par le commissariat avec six hommes (Vandekerckhove,Vaes, Zinzen, Le Dily, Derick,et Delannoy). Nous nous emparâmes de neuf revolvers et j’installai là, provisoirement, mon poste de commandement.
Pendant que les camarades rassemblaient tous les hommes disponibles, je retournai à la maison pour reprendre quelques armes.
C’était dangereux, car les Allemands étaient encore là. Je chargeai les munitions dans une voiture d’enfant et donnai l’ordre à ma voisine Mme Le Dily de me rejoindre.
Place de l'Eglise (actuelle Place Abbé Bonpain) Halluin,
les F.F.I veillent, la ville n'est pas encore tout à fait libérée.
(Photo VdN DD 33527 n° lib)
A Halluin, avec mes hommes et d’autres n’appartenant à aucun groupement, nous allâmes vers la gendarmerie, devant la banque Scalbert, j’étais en tête avec Le Dily, les autres à 50 m. Un auto allemande déboucha à 200 m. Je commandai le feu. Le Dily plongea par terre, tira avec le F.M. Objectif atteint. Butin : une voiture, deux fusils, du matériel sanitaire et deux prisonniers.
Nous continuâmes vers la gendarmerie. Sans coup de feu, les gendarmes ouvrirent la porte. Après sommation, ils nous remirent les armes. L’adjudant refusa de se joindre à nous et préféra attendre la fin de l’insurrection.
Au retour dans la rue de la Gare, j’aperçus une auto en stationnement devant la gare, les Allemands à côté de la voiture. Je donne l’ordre de faire feu, mais ils partent aux premiers coups.
Des observateurs postés à chaque coin de la rue Verte, signalent que les Allemands cherchent à encercler le quartier où nous nous trouvions. Un seul moyen : escalader les murs des jardins pour rejoindre le PC. Rues désertes, patrouilles omniprésentes.
Nous arrivons quand même, les uns dans la maison, les autres sur le toit du PC, tirant de tous côtés. Sans résultat. Je donne l’ordre de cesser pour ne pas gaspiller les munitions. Une heure passa. Pas de morts, ni de blessés. Mais les sœurs du couvent et un frère commettaient une faute en allant voir, toutes les cinq minutes à la porte. Les Allemands l’avaient remarqué. Ils pénétrèrent dans le bâtiment en croyant y trouver des résistants. Une partie des nôtres se trouvaient dans la cour.
Habitation, rue de Lille, 168, face à la rue Pasteur Halluin..
après les combats de la Libération de la ville en Septembre 1944.
(ARPH DD 33524 n° lib)
Interrogée par les Allemands sur les raisons pour lesquelles elle venait toujours à la porte, la sœur répondit qu’elle guettait un moment d’accalmie pour fermer ses volets. Comme elle ne paraissait pas troublée, l’officier s’éloigna. Ainsi la sœur sauva la vie des patriotes présents.
Nous installâmes notre PC au café du Lion d’Or, lieu facile à quitter en cas de retraite.
Regroupés, nous décidâmes de former trois groupes avec chacun un chef responsable des actes de ses hommes. Je donne des grades aux plus méritants d’entre eux et aux plus capables, pour les encourager.
J’avertis ceux désignés pour le comité de Libération afin qu’ils forment leur comité administratif.
Les trois chefs avec leur groupe sont alors à l’emplacement désigné, là où l’ennemi doit passer. Chacun tire, fait des prisonniers, récupère des armes, autos et matériel de guerre. Jour et nuit un observateur est placé sur l’église vers le bureau de poste et la mairie, déjà occupés par nos hommes
De nombreux morts dans nos rangs, beaucoup chez l’ennemi. La Croix Rouge était fournie par MM. Bolvin et Louf, docteurs, et l’infirmière Mme Elisabeth Grimonprez. Cette dernière accompagna la voiture qui circulait dans toute la ville sans craindre le danger.
Des chars « Tygre » signalés...
Le dimanche soir, une colonne allemande avec chars Tigre est signalée venant de Wervicq vers Halluin-Menin, et longeant la Lys.
L’Etat-major décida de la laisser passer et de se mettre sur la défensive ou en retraite si nécessaire. C’était toujours mon seul principe : ne pas attaquer des blindés lourds puisque nous n’avions pas d’armes adaptées.
Pendant ce temps, la ville se préparait, les prisonniers regroupés à proximité du P.C.. Les volontaires affluaient, les corps francs étaient rassemblés, pendant que je cherchais du renfort à Roncq, Tourcoing, Roubaix, Lille par téléphone ou en y allant moi-même.
J’obtins avec quelques difficultés deux canons anti-chars à Tourcoing, et d’autres groupements des villes voisines arrivaient avec mortiers, mitraillettes lourdes, grenades antitank…
Le lundi 4 septembre 1944, la colonne allemande prenait position de combat aidée par les Chemises Noires de Menin. Un char Tygre était placé sur le pont, et les mitrailleurs ennemis derrière la Lys, qui tiraient sans discontinuer sur nous, ainsi que les mortiers en action.
Nos observateurs sur l’église étaient visés. L’Etat-major, descendu sur place, venait constater les deux positions et coordonnait le coup le plus dur ? Vers le soir, tout était prêt. Toute la nuit, le feu crachait des deux côtés. Les principaux points : le pont du chemin de fer, le bois Gratry, le pont de la rue de Lille sur la Lys.
Le pont sur la Lys saute...
Le lieutenant Pénasse et les sous-lieutenants Bosteels et Alfred Simono prenaient chacun la tête de leur groupe pour l’attaque. Moi, le commandant, avec sang-froid mais la rage au cœur, assurais le ravitaillement en vivres et en munitions et vérifiais le bon fonctionnement des lignes de combat. Je n’avais confiance qu’en moi-même et contrôlais l’exécution de mes ordres.
Mardi au petit jour, nous les F.F.P., nous attaquons partout à la fois. Vers 5 h. du matin, les Allemands qui avaient eux aussi travaillé toute la nuit, voyant qu’ils ne pouvaient plus tenir, faisaient sauter le pont et battaient en retraite.
Nos hommes traversaient la Lys au pont du chemin de fer resté intact, nettoyaient le bois Gratry, passaient les écluses et les débris du pont brisé. La lutte s’acharnait au centre de Menin, et même au-delà de la ville.
Souvent les F.F.I. voulant avancer trop vite en dépit du commandement, se faisaient ramasser par les dernières patrouilles motorisées allemandes, et étaient massacrés par des coups de crosse, achevés par une balle au cœur. Ce fut le sort de Delaere Polydore et Vanlaere Georges.
Les cloches sonnent enfin...
Libération d'Halluin, le 6 Septembre 1944 :
rue de Lille, Halluin accueille les soldats anglais.
(ARPH DD 33528 n° lib)
Le mercredi 6 septembre à 11 h. 30, les cloches de notre ville sonnaient enfin la Libération, et dans l’après-midi les armées anglaises rejoignaient les F.F.I. qui continuaient à poursuivre l’ennemi en Belgique.
Le même jour je décidais avec le bureau militaire F.F.I. et la majeure partie de la douane de fermer les frontières pour éviter l’espionnage par les collaborateurs et aussi empêcher la présence d’allemands isolés, déguisés
A Halluin, des patrouilles F.F.I. circulaient et contrôlaient les papiers des voyageurs étrangers et les voitures, en attendant que la douane et la police aient reçu des instructions de leur direction de Lille. Une tâche difficile à cause des ouvriers belges et autres sans papiers ou avec papiers périmés, et à cause des individus qui se disaient déportés politiques ou otages.
Tout le monde voulait passer la frontière. Le contrôle nous permit de mettre la main au collet de plusieurs Chemises Noires que nous avons remis aux autorités de Menin.
60 morts côté occupants...
Nous avons fait une vingtaine de prisonniers. La Croix Rouge a ramassé les blessés allemands et les a conduits vers Tourcoing. Il y avait aussi des Russes et les Polonais que les Allemands avaient enrôlés de force dans l’armée.
Huit jours après la libération, les Anglais sont venus recenser et enlever les prisonniers avec un ordre.
D’après mes calculs, nous aurions fait dans les rangs ennemis une soixantaine de morts. Les autos blindés ramassaient leurs morts au fur et à mesure, en actionnant leurs canons et mitrailleuses.
Sous mon commandement, la ville s’est libérée par elle-même, et mes hommes ont donné un grand coup de main pour libérer la ville voisine de Menin.
Tous les brassards des F.F.I. ont été réalisés par mes parents…
Comme lieutenant F.T.P.F. et homologué, j’ai reçu les félicitations du général Oelig.
Le patron de chez Glorieux m’a envoyé mon bulletin de sortie pour la bonne marche de son usine… ».
M. Julien Vandekerckhove a passé les dernières années
de sa vie à Seclin, où il est décédé en 1991.
Le groupe des Halluinois ayant pris part aux combats de la Libération.
Cliché historique du 16 septembre 1944,
dans les jardins de l'Union Patronale, rue de Lille.
(X DD 33162 n° 3044)
L'armée allemande en déroute sort de France,
à la frontière franco-Belge, rue de Lille à Halluin.
(photo n° 3021)
Honorons nos Morts...
En 1947, les sections locales des Francs-Tireurs et Partisans Français et de l’Association Républicaine des Anciens Combattants ont demandé à l’Administration Municipale que les noms des soldats morts pour la France de 1939 – 1945, des victimes des combats de la Libération et des Victimes Civiles de la Guerre, soient gravés sur le monument aux Morts de la rue de Lille.
Monsieur le Maire, persuadé d’interpréter les sentiments profonds de la population a répondu au nom de l’Administration, qu’il serait fait droit à cette demande dans un proche avenir.
Funérailles des Halluinois Morts durant les combats de la Libération d'Halluin :
Passage du cortège funèbre, à hauteur du cabinet médical du Docteur Dereu - Septembre 1944.
(ARPH DD 33529 n° lib)
Voir aussi... cliquez ci-dessous :
Conseil Municipal Halluin : Rue Julien Vandekerckhove (Octobre 2019).
Libération Halluin 1944 : Yolande Vanackère Résistante Halluinoise.
Résistance 39/45 - Halluin (Yolande Vanackère et la Médaille de la Résistance en 1986).
Commentaires sur Facebook :
Francine Vanoverberghe Je remercie en mon nom et celui de mes camarades, Daniel Delafosse , d'avoir par son riche reportage ,mis à l'honneur Julien Vandekerckhove FTPF , un "oublié de l'Histoire" qui a commandé les résistants halluinois lors de la libération de notre ville.
Daniel Delafosseà Francine Vanoverberghe : Merci pour votre attachement à la mémoire collective halluinoise.
Michele Catteau merci pour le reportage
Chantal Grouwet Ma maison familiale
Colette Dupont Des trous dans les persiennes de mon ancienne maison. ..
Alain Parez Lu avec grand intérêt....Merci....
Francine Vanoverberghe Un grand merci d'avoir mis à l'honneur un "oublié de l'Histoire" comme j',ai déjà eu l'occasion de vous le dire ,en mon nom (j'ai bien connu Yolande son épouse qui avait évoqué tous ses souvenirs !) et celui de mes camarades.
Lefebvre Jocelyne Merci pour la diffusion de ce témoignage ,c'est un écho à mon intervention en conseil municipal
Ussan Orka tres interessant le reportage il y a beaucoup de nom que je connais mais sa doit etre les enfants que je doit connaitre
Albert Grignon Très beau reportage et récit
4/9/2010 - 5/11/2019
Commentaire et Photos : ARPHalluin - Presse - Daniel Delafosse