Henri-France Delafosse (au centre avec la chéchia) caporal instructeur,
au 205e d'infanterie, en décembre 1916.
(Photo DD 8502 n° Img 044)
Henri-France Delafosse, Zouave Halluinois
de la Grande Guerre… pendant 42 mois.
De la plus terrible guerre de notre Histoire, des millions de combattants sont morts, les autres sont revenus vivants, mais blessés dans leur chair et dans leur esprit à jamais.
Voici donc le récit, raconté par son fils Daniel des quatre années de guerre vécues par l’Halluinois Henri-France Delafosse « miraculé » de la bataille de Verdun :
Henri-France Delafosse, père de vingt enfants, fut l’un des fondateurs de la section halluinoise U.N.C., en 1920, avant de devenir président des Anciens combattants en 1937, ainsi que membre fondateur du groupe halluinois des Mutilés de guerre, dont il était président d’honneur jusqu’à son décès en 1966.
Il fut aussi le créateur, dès le 2 septembre 1939, du premier Comité d’entraide français aux combattants et prisonniers de guerre.
Fils d’un ancien combattant de 1870-71, il est né le 1er octobre 1894 à Saint-Florent-sur-Cher, puis il est devenu Halluinois à l’âge de 5 ans.
Henri-France Delafosse Zouave Halluinois
à Alger (Algérie), en 1915.
(Photo DD 8503 n° Img 021)
Alger – L’Yser – Nieuport – Popincourt - Montdidier
Après avoir vu partir successivement au front ses cinq frères aînés, Henri-France Delafosse, sur sa demande, le 27 août 1914, quitte sa famille et Halluin à l’époque de la ruée allemande ; la bataille de Dinant était achevée et les conquérants avaient franchi la Meuse, le 26 pour tenter d’égorger Paris.
Le 10 septembre 1914, alors que les soldats français étaient accrochés dans les plaines de la Marne, Delafosse prenait contact dans Alger la Blanche avec le corps d’élite des Zouaves, dont les hommes intrépides ont inscrit dans les cadres de l’armée française les services les plus brillants. En effet, c’est au 1er Régiment de marche de Zouaves qu’il fit d’abord quelques semaines de classe et ensuite campagne dans le sud-Oranais.
La ligne de feu s’était dès l’automne cristallisée dans le cadre des barbelés et des tranchées. Tapis comme des taupes dans ce labyrinthe de boyaux et de sapes, les soldats silencieux observaient le Molosse accroupi d’en face qui regardait alors la France de travers ses créneaux.
Les plaines du Nord se prêtaient encore à l’activité débordante des uhlans et, dans ces heures tragiques, chacun s’interrogeait avec angoisse sur la menace d’un débordement.
C’est dans cette course à la mer que le 15 janvier 1915, Henri-France Delafosse, en compagnie des Zouaves du 1er Régiment de marche, prenait le contact avec l’ennemi dans les marais de l’Yser.
L’histoire nous dira que le corps spécial des hommes à la chéchia, au symbolique pantalon garance, se retrouvera dans ces jours sombres et incertains, dignes émules des Diables bleus du commandant Driant et, bien plus tard, des hommes des commandos.
De la mer du Nord à l’Alsace, les Diables Rouges seront au premier plan pour les tâches audacieuses.
Vers le 10 juillet 1915, le 1er Régiment de marche de Zouaves quitte Nieuport et s’embarque à Dunkerque pour la région de Montdidier. Il retourne prendre sa place à la 75e Brigade qui appartient à ce moment à la 25e D.I.
Dès lors, le régiment travaille à l’organisation du secteur de Plessier-de-Roye, face à Lassigny et au Plémont. Courant septembre, il fait des travaux offensifs considérables en avant de Tilloloy-Popincourt, une action d’assez grande envergure devant avoir lieu dans ce coin du front.
L’attaque de Champagne ne donne pas ce qu’on avait espéré et l’attaque projetée n’a pas lieu.
Le régiment est relevé, mis au repos un mois dans la région de Mireuil et de Moyenville, et prend ensuite le secteur de Canny-sur-Matz. Tout l’hiver 1915-1916 se passe en travaux dans un terrain difficile.
Le régiment lutte beaucoup plus contre l’eau et la boue que contre le « boche », peu actif dans ce secteur. En janvier, le régiment est relevé et cantonne pendant plusieurs jours à Montdidier et environs.
L’ennemi, qui prépare déjà l’offensive de Verdun, donne de nombreux coups de sonde sur différents points du front. Fin janvier, le plateau de Nouvron paraît particulièrement menacé et le régiment quitte brusquement Montdidier pour Coeuvres et Lavercine.
Verdun 1916 – Cumières – Chattancourt.
Lorsque le 25 février 1916, l’ennemi déclenche son offensive sur Verdun, le régiment embarqué précipitamment à Villers-Cotterets est amené dans la région de Souilly.
Le 8 mars il bivouaque à Fromereville, reçoit quelques bombes d’avions, passe dans le bois Bouchet et Bourrus la nuit du 8 au 9, et est engagé le 9 au soir en avant de Cumières. Jusqu’au 21, il se maintient aux lisières sud du bois des Corbeaux et de Cumières, la droite appuyée à la Meuse.
Débordé sur sa droite et sur sa gauche par l’ennemi qui occupe, d’une part, Champ, Champneuville, la côte du Talou, et d’autre part, la côte 265 et la crête N du Mort-Homme, recevant des coups de fusil et des obus dans le dos, il brise néanmoins par ses feux toutes les attaques ennemies et peut passer à ses successeurs le secteur dans des conditions meilleures qu’il ne l’avait pris.
Il l’a, en effet, sillonné de tranchées, couvert de réseaux de fils de fer, et plus tard, c’est sur la « tranchée des Zouaves » que viendront échouer les attaques contre Chattancourt.
Au cours de l’héroïque bataille de Verdun, dans les sanglants combats de Cumières, dans la défense mémorable du Mort-Homme, dans les corps à corps de la côte 304, Henri-France Delafosse était là. Il resta même l’un des huit survivants de la 4e section de l’adjudant Fourreau de la 16e compagnie, section dont tous les membres seront cités collectivement à l’ordre de l’armée.
Dans les coups durs, c’est l’Halluinois que l’on rencontre : mais hélas, l’esprit de sacrifice se paie cruellement, et Delafosse subit de terribles souffrances, après avoir été blessé par éclats d’obus à la tête et soigné sur place.
Le Colonel du régiment Rolland, qui fût l’âme de la résistance, est fait officier de la Légion d’honneur.
La Division est félicitée par le Général de Bazelaire, et quelques jours plus tard, le Général Debeney, quittant son commandement, adresse très ému cet adieu touchant au 11e bataillon qui leur rend les honneurs : « Adieu aux Zouaves de Cumières ».
Photo de Henri-France Delafosse en 1916 :
soldats français et prisonniers allemands dans les tranchées.
(Photo DD 22827 n° Img 297)
Somme 1916 – Bois de Chaulnes – Pressoire – Chilly.
Plus tard Delafosse avec le même régiment, participe à l’offensive de la Somme dans les combats de Chaulnes et de Pressoire. Après quelques jours de repos et de préparation dans la région de Crépy-en-Valois et du camp de Crève-cœur, le régiment est engagé dans la bataille.
Le 21 octobre, le 4e Bataillon, encadré à droite par le 9e Tirailleurs et à gauche par le 11e Bataillon, attaque les Bois de Chaulnes et s’empare du Bois 4.
Une violente contre-attaque est enrayée après un combat acharné et le 4e Bataillon (commandant Simondet) et la 42e Compagnie (lieutenant de Tourdonnet) sont cités à l’ordre de la 10e Armée.
Il pleut sans arrêt. Le terrain est transformé en marécages. Le régiment ne peut sans repos fournir un plus long effort et est retiré du front pour quelques jours. Ramené en ligne les premiers jours de novembre, il attaque Pressoire le 7. La distance à parcourir est près de 2.000 m, la pluie ne cesse de tomber, la marche est on ne peut plus difficile, on s’enlise dans les trous d’obus, enfonçant parfois jusqu’à la ceinture et ne pouvant sortir de cette situation que grâce au secours de plusieurs camarades.
Néanmoins, à l’heure fixée, les vagues d’assaut s’ébranlent et quarante minutes plus tard, après un combat acharné aux lisières ouest du village, les 5e et 11e Bataillons se sont, respectivement, emparés de Pressoire et du Bois Kratz.
Pour la première fois, le régiment est cité à l’ordre de l’armée. Delafosse sera cité à l’ordre du régiment pour avoir entraîné crânement ses hommes à l’attaque du 21 octobre 1916.
En novembre 1916, Le jeune soldat Delafosse fut atteint d’un jet de liquide enflammé et atrocement brûlé.
Le Lieutenant-Colonel Poirel, commandant le 1er Régiment de marche de Zouaves, citera, à nouveau, à l’ordre du Régiment :
« Delafosse Henri-France, caporal de la 15e compagnie, lors de l’attaque du 20 mai 1917 et les jours suivants, étant agent de liaison, a assuré la transmission des ordres sous des tirs de barrage d’une violence peu commune : gradé courageux, faisant preuve du plus grand mépris du danger et de beaucoup d’initiative. Déjà cité ».
Henri-France Delafosse (assis) en juin 1917, à la côte 202 en Champagne :
Baptême de la Fourragère du 1er Zouaves.
(Photo DD 8504 n° Img 024)
Arrivent ensuite les offensives de Champagne au mont Corillet. Puis l’armée allemande, ivre de ses exploits, dans une nouvelle marche sur Paris, se heurte au Corps des Zouaves dans l’Aisne.
Longpont – Villers-Hélon – Bois Mauloy.
Le régiment de marche entame immédiatement la lutte. Du 11 au 16 juillet, par des actions de détail particulièrement brillantes, s’empare successivement de Longpont, de la ferme Lagrande, du tunnel et des carrières de Longpont, du hameau de Catifet et prend pied sur le plateau de Violaine.
Dès le 16 au soir, le 1er Zouave a vaincu toutes les résistances ennemies et « montré qu’il est toujours le régiment d’élite dont l’éloge n’est plus à faire ».
Le 18 juillet 1918, malgré des pertes sensibles et la fatigue résultant de plusieurs jours de combat et du violent bombardement à ypérite du 17 juillet, les effectifs combattants réduits des deux tiers, en liaison à droite avec le 9e Tirailleurs, à gauche avec le 4e Zouaves, le régiment dans un bel élan, avec l’aide de quelques chars d’assaut, s’empare de Villers-Hélon et progresse jusqu’à la lisière ouest du Bois de Mauloy qu’il enlève dans la matinée du 19. Dépassé le 19 au soir, il est ramené à Vivières pour y goûter un repos bien gagné.
Sous le commandement du Lieutenant-Colonel Pompey, Henri-France Delafosse, en compagnie des Zouaves du 1er Régiment de Marche, est cité à l’ordre de l’armée :
« Après une série de dures actions de détail exécutées avec succès du 11 au 18 juillet, et dont la réussite a eu une importance de premier ordre pour les opérations ultérieures, ce régiment a participé, les 18 et 19 juillet, à l’offensive générale avec une bravoure et un allant admirable, brisant, après des combats acharnés, toutes les résistances ennemies.
Au cours de neuf jours de combats, a capturé 350 prisonniers, 13 canons et 130 mitrailleuses. Signé : le Général Mangin, commandant la Xe Armée ».
Après avoir tant de fois vu rôder la mort, c’est le 17 juillet 1918, après 42 mois de guerre, qu’Henri-France Delafosse est atrocement blessé et intoxiqué par des gazs brûlants ; les expérimentateurs de la science germanique inaugurent sur les poitrines des méthodes nouvelles, le courage surhumain demeure vain sur un terrain ypérité.
Le jeune caporal Delafosse restera sur le champ de bataille dans le coma, parmi les morts, pour n’être ramassé que 24 H après par des ambulanciers américains.
Toujours sans connaissance, transporté jusqu’à Tours où il n’est revenu à lui que huit jours après. Aveugle durant trois semaines, brulé sur toutes les parties du corps, les poumons attaqués, il a, durant des mois, enduré les pires souffrances et n’a été rendu à la vie civile qu’un an après, comme grand mutilé de guerre à 100 %. Entre-temps, il sera affecté comme secrétaire à l’Etat-Major de Foch.
Voilà dans quel état, ce dernier retrouva ses vieux parents,
qu’il n’avait pas vus et dont il n’avait pas eu de nouvelles depuis cinq ans !
Henri-France Delafosse, à la fin de la guerre en 1918,
en convalescence à Paris.
(Photo DD 8505 n° Img 022)
Le caporal Delafosse recevait le 16 juin 1920 la Médaille Militaire,
la plus haute distinction pour un soldat...
Le Colonel Canavy, commandant de compagnie du 1er Zouaves de Marche avait, dans un rapport conclu en ces termes son appréciation sur sa croisade guerrière :
(...) L'intéressé arrivé à mon unité, comme volontaire, en Janvier 1915 et resté au front jusqu'à son évacuation pour intoxication grave par ypérite en Juillet 1918, s'est toujours fait remarquer par sa brillante conduite, faisant preuve, dans les circonstances les plus difficiles, de la plus grande bravoure et du plus large esprit de dévouement.
A Verdun, en particulier, lors de la première offensive allemande, le caporal Delafosse a fait preuve du mépris le plus absolu du danger, en assurant nuit et jour, pendant une période des plus critiques, sous un bombardement extrêmement violent, la liaison entre mon poste de commandement et une section placée dans une situation extrêmement périlleuse.
La conduite pendant la guerre du Caporal Delafosse représente à mes yeux, un des plus nobles exemples de l’accomplissement du devoir militaire ».
Henri-France Delafosse était aussi titulaire
de la Croix de Guerre 1914-18 avec palmes et citations
Croix du Combattant – Médaille de Verdun – Médaille de Nieuport
Médaille commémorative 1914-18 – Médaille Intérallié.
Il recevait la Croix de Chevalier de la Légion d’Honneur
à titre Militaire le 14 juillet 1954, au Foyer des Combattants.
Au 1er plan, de gauche à droite :
Le Docteur Albert Louf vient de décorer Henri-France Delafosse,
aux côtés de MM. Maurice Toulemonde et Joseph Declercq.
(Photo DD 8580 n° Img 487)
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16/11/2011
Commentaire et Photos : Daniel Delafosse
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