Guerre 14 - 18
Durant la guerre 14/18, devant l'école du Sacré-Coeur,
les troupes allemandes se mettent en mouvement.
(photo n° 1871)
Halluin occupée, sous la responsabilité
de M. Paul Lemaitre-Boutry.
Ou le récit de l’Halluinois Michel Everaert.
Les générations passent, les mauvais souvenirs également. De semblables choses, comme les évènements de la Première guerre mondiale, ne s’oublient pas, et nous pouvons retrouver dans des archives, trace de cette époque relevée par M. Michel Everaert, qui met surtout en lumière l’action du représentant de la Ville.
« A cette époque, c’était M. Lemaitre qui faisait fonction de Maire de la Ville. Il apporta ses soins et son dévouement à la construction de l’hôpital-hospice au Mont d’Halluin.
Cet édifice devait remplacer celui édifié rue Gustave Desmettre dans les immeubles habités plus tard par la famille Carton. Hélas la guerre planait à l’horizon. L’Allemagne était prête à envahir la France.
A ce moment de la déclaration de guerre, M. Paul Lemaitre était âgé de 39 ans et père de dix enfants, ce qui lui permit de demeurer à Halluin où un rôle important l’attendait.
M. Pierre Defretin, Maire et M. Louis Odou-Loridan, deuxième adjoint, étant tous deux septuagénaires, l’Administration de la Ville fut confiée à M. Lemaitre-Boutry, dès l’arrivée des Allemands le 16 octobre 1914.
M. Lemaitre eut de constants rapports avec la kommandantur. Il en recut les ordres, subit les menaces et eut à répondre à des réquisitions chaque heure, de jour comme de nuit. On le recherchait pour lui dire : « Monsieur Paul, on vous demande à la Kommandantur ».
Il s’y rendait quand même, malgré son sentiment instinctif de révolte car il savait l’accueil qui l’attendait, la nature des ordres qu’il allait recevoir et les insultes dont il allait être abreuvé.
Il fut emprisonné à cinq à six fois pour des périodes variant entre six et quinze jours, pour avoir résisté aux prétentions allemandes notamment au sujet du paiement des contributions de guerre et surtout du refus de payer le travail des ouvriers dans les usines.
Ce fut à cette époque, le 30 juin 1915, que parut la fameuse lettre du commandant de place exigeant que tout ce dont l’autorité allemande avait besoin pour l’entretien des troupes fut fabriqué par des ouvriers du territoire occupé, sous peine de destruction de la Ville. Cette lettre put être expédiée à Paris et fut publiée par tous les grands quotidiens de la capitale.
La reproduction de cet écrit amena l’ouverture d’une enquête faisant subir à M. Lemaitre de nouvelles insolences et menaces de mort. Malgré cela, M. Lemaitre fit preuve d’une énergie admirable, d’une patience raisonnée et d’un patriotisme ardent.
Il intervint pour protester contre les brutalités exercées sur les prisonniers. Lorsque les prisonniers anglais, italiens et français furent gardés dans les usines de la Ville, il parvint à l’aide de mille subterfuges à leur faire remettre des vivres, du linge, et même des vêtements.
Il protesta contre l’emploi près des lignes de feu d’habitants valides de la Ville et travailleurs civils amenés en Belgique. Il refusa toujours de livrer des assistés pour les soustraire le plus possible au travail pour l’ennemi.
Enfin, grâce à lui, les offices religieux purent encore être célébrés dans l’église paroissiale, alors que les Allemands voulaient l’accaparer.
Par contre, il ne parvint pas à empêcher la transformation de ce lieu du culte en écurie pour les chevaux des soldats de la garde impériale, et c’est avec des larmes aux yeux qu’il vit enlever les cloches.
Pendant toute la durée de l’occupation, M. Lemaitre fit tout ce qui était humainement possible pour le ravitaillement de la population en vivres, linge, charbon.
En juin 1917, lorsque l’autorité allemande exigea l’évacuation de la ville par moitié, il protesta et réclama l’application de toutes les mesures propres à rendre le départ des habitants moins pénible.
A l’évacuation générale, le 30 septembre et le 1er octobre 1918, il partit l’un des derniers, par le Mont d’Halluin. Quelques jours plus tard, le 17 octobre, Halluin était libérée et le lendemain, M. Lemaitre était de retour. Les Halluinois respiraient aussi, délivrés de ce cauchemar qui avait causé beaucoup de vide et de souffrances ».
17/11/2010.
En 1916, les soldats allemands stationnent place de l'église,
devant le café du lion d'or et celui du Saint Sébastien.
(photo n° 1881)
1915 : Halluin ville occupée.
1915, dix ans à peine après l’application dans la commune de la loi de séparation des églises et de l’état, la situation est autrement tragique. 1915, c’est une année de guerre pour Halluin située dans la zone envahie très proche du front.
Voici le récit de l’historien halluinois Roland Verkindère :
Depuis juillet-août 1914 les évènements se sont précipités. Service militaire à trois ans, Jaurès assassiné et après la déclaration de guerre de l’Allemagne à la France, mobilisation générale, union sacrée.
Même les pères de quatre enfants sont appelés. Halluin comptera plus de 2 500 mobilisés qui ne reverront plus leur commune avant, au mieux novembre 1918.
La réalité pour Halluin est cruelle. A la mi-octobre les troupes ennemies occupent la ville, pour quatre ans. Avec immédiatement des mesures à prendre afin d’assurer un minimum de ravitaillement.
Au mois d’août 1914 le conseil municipal se réunit chaque semaine et tente d’organiser les répartitions. En octobre il est conduit à émettre du papier-monnaie communal pour honorer les dépenses municipales et apporter de l’aide aux plus pauvres.
15 480 habitants
Devant les demandes de plus en plus pressantes des autorités d’occupation, le maire, Pierre Defretin, s’efforce d’apitoyer l’autorité militaire occupante en rappelant la modestie des ressources de la commune. Comme en témoigne une note remise à l’intendance militaire allemande :
« La ville compte 15 480 habitants : 11 480 au Bourg, 4 000 dans les hameaux (Colbras et Mont). Les hameaux comportent des maisons isolées, habitées le plus souvent par de pauvres ouvriers. La Ville est très endettée. Pour installer sa distribution d’eau, ses écoles, son hospice, son abattoir, son cimetière, ses chemins, etc… elle a dû faire des emprunts successifs sur lesquels elle doit encore plus d’un million.
16 % des habitants acquittent la contribution mobilière. C’est peut-être la proportion la plus faible qui existe dans le Nord de la France. C’est une ville de travailleurs et de pauvres où ne se trouvent ni théâtre, café-concert, ni spectacle… La population se répartit entre 3600 familles sur lesquelles actuellement 2500 sont assistées par le bureau de bienfaisance et l’Etat… »
En 1915 Halluin se voit imposer et vivre à l’heure allemande. Lourde et pénible atmosphère. Au point de provoquer une crise majeure quand il est constaté notamment que certaines entreprises se voient contraintes de tisser des sacs pour contenir la terre des tranchées ou des meurtrières en bois utilisées dans les lignes ennemies sur le front.
Les élus sous la menace
Du 26 au 30 juin la tension atteint son paroxyme. Le 30 juin 1915, à 9 h du soir le conseil municpal et les notables (une soixantaine de personnes dont certaines emprisonnées depuis deux jours) se sont réunis à l’usine de M. Loridan, rue Saint-André, (actuelle rue Gabriel Péri) sur la convocation et sous la Présidence de Pierre Defretin, maire.
Le premier magistrat est partisan de la résistance mais il ne veut pas assumer seul la responsabilité d’une décision aussi importante : refuser de payer les sacs et objets destinés aux tranchées et de conseiller aux ouvriers la reprise du travail.
Vers 23 h, le commandant Schranck accompagné de son interprète et de soldats en armes porteurs de fallots, fait son entrée dans la salle Loridan et s’avance jusqu’au bureau. Une déclaration est lue contenant les dernières demandes de l’autorité supérieure :
« Que tout ce que nous avons besoin pour l’entretien de nos troupes soit fabriqué par les ouvriers du territoire occupé, que tous les ouvriers reprennent le travail sans délai ».
Sinon : arrestation immédiate de tous les membres présents, déportation de la municipalité, isolement en forteresse, déportation en Allemagne, au régime des travaux forcés du conseil municipal et des notables, amendes, interdiction de circuler, « affamation » de la ville, cantonnements supplémentaires et dernières extrémités ; anéantissement de la ville et suppression de vies humaines, pour le général en chef la vie d’une population de 15000 habitants important peu ».
A une légère majorité (28 voix contre 25) l’assemblée se prononce, sous la contrainte et les menaces, pour la reprise du travail afin d’éviter à la population le pillage, l’incendie et le meurtre.
23 h30, le commandant rentre en séance. Le maire lui fait part du résultat. Le commandant donne sa parole d’honneur d’officier et d’homme d’intervenir, aussitôt la reprise du travail, auprès du général pour faire cesser autant et aussi vite que possible la fabrication d’objets destinés aux tranchées.
Les otages restent en prison
L’administration et les otages restent en prison jusqu’à la reprise du travail ; les conseillers municipaux et notables sont libres. La reprise du travail se fera non sans réticences.
La tension dramatique de juin 1915 laissera des traces. Par ailleurs, prise sous la contrainte pour éviter le massacre, la décision de la nuit du 30 juin alimentera longtemps les polémiques et notamment en 1919, Halluin occupée fin 1914 et en 1915, c’est une population dispersée, évacuée dans les pires conditions.
Libérée en octobre 1918, en ruines, maisons bombardées, usines pillées et pour la plupart détruites, Halluin n’atteignait de nouveau 6500 habitants qu’en décembre 1918.
Comme l’écrit l’Abbé Demeulenaere en cette fin 1918 :
« Sur les ruines accumulées par la guerre, la vie commence à s’épanouir de nouveau ».
15/11/2010.
La foule au cimetière d'Halluin, pour les funérailles
des victimes du bombardement du 21 mars 1918.
Les corps sont inhumés en présence du clergé et de la municipalité.
(photo n° 1133)
« Le Soldat Inconnu »… Historique.
En 1918, les régions du Nord, de la Champagne ou de l’Est sont recouvertes de cimetières. Des millions de croix que l’on a souvent élevées à la hâte. Elles ne portent souvent qu’un simple nom, une date, et une mention : « Soldat Français », « Soldat Allemand », « Soldat Britannique »… Mais parfois, aucun nom, aucune inscription.
Un homme est mort ici, mais qui était-il ? Tombes anonymes où l’on a mis des restes humains. Personne pour venir les pleurer. Pourtant, quelque part dans le monde une mère, une femme, un enfant les cherchent.
Lorsque les canons se sont tus, on a mis ces restes dans d’immenses nécropoles. Ils s’y retrouvaient entre inconnus, entre anonymes. Pourtant leur nom figure sur un monument aux morts, mais nul ne sait où ils reposent.
À l'occasion du premier anniversaire de l'armistice de 1918, la France invente le cérémonial de la «minute de silence» en hommage aux victimes du conflit.
L'année suivante, le 11 novembre 1920, la IIIe République célèbre son cinquantenaire en transférant le coeur de Gambetta au Panthéon et, pour la première fois, rend hommage à un Soldat inconnu mort pendant la Guerre 1914-1918, représentant anonyme de l'ensemble des «Poilus» et des «Gueules cassées» morts pour la France.
Evoquée une première fois par François Simon, président du Souvenir français de Rennes, l'idée d'honorer un soldat tué au champ d'honneur et non identifié se dégage rapidement dans l'opinion française.
Dans un premier temps, la Chambre des Députés décide qu'il reposera au Panthéon. Mais une campagne de presse amène le 8 novembre 1920, le Parlement a voté à l’unanimité, deux articles :
« Les honneurs au Panthéon seront rendus aux restes d’un des soldats non identifiés morts au champ d’honneur au cours de la guerre 1914-1918. La translation des restes de ce soldat sera faite solennellement le 11 novembre 1920
Le même jour, les restes du Soldat inconnu seront inhumés sous l’Arc de Triomphe ». L'idée est de Charles Dumont.
Le ministre de la Guerre et des Pensions, André Maginot, ancien sergent du 44ème RIT, lui-même grand blessé de guerre (il se déplace appuyé sur deux cannes), ordonne aussitôt aux neuf commandants de Région de faire exhumer «dans un point de chaque région pris au hasard et qui devra rester secret, le corps d'un soldat identifié comme Français, mais dont l'identité n'aura pu être établie».
Neuf cercueils sont envoyés de l’Artois, de la Somme, de l’Ile de France, du Chemin des Dames, de Verdun, de Lorraine et des Flandres. En fait, il n’y en a que 8. On n’est pas certain que le 9ème corps soit celui d’un Français.
Chaque corps est placé dans un cercueil de chêne et dirigé sur Verdun, où la cérémonie se déroule, le 9 novembre 1920, dans une galerie de la citadelle transformée en chapelle ardente. Des soldats du 132ème régiment d’infanterie rendent les honneurs.
Avant que La Marseillaise ne retentisse, Le ministre André Maginot s’arrête devant un engagé volontaire de la classe 19 et dont le père est mort à la guerre. Le ministre tend au soldat Augustin Thin un bouquet d'oeillets rouges et blancs, cueillis sur le champ de bataille de Verdun
Augustin Thin, engagé le 3 janvier 1918, est un des survivants du 234e régiment d’infanterie (RI), décimé en Champagne en juillet 1918. Muté au 132e RI, caserné à Verdun, il avait alors raconté :
« J’avais été choisi pour désigner le cercueil parce que j’étais le plus jeune engagé soldat de 2e classe et ancien combattant du 132e RI, le régiment de Verdun ». Le soldat Thin additionne les trois chiffres de son régiment, cousus sur l’écusson du col de sa capote, et obtient le nombre six : « J’ai déposé un bouquet d’œillets rouges et blancs sur le sixième cercueil ».
Le cercueil sur lequel Augustin Thin déposera le bouquet, sera celui du « Soldat inconnu ». Le soldat fait le tour des cercueils et dépose son bouquet sur le cercueil (6ème) placé à gauche du troisième catafalque. Le soldat inconnu est désigné.
Conduit à la gare de Verdun sur un affût de canon, le cercueil du Soldat inconnu arrive à la gare parisienne de Denfert-Rochereau pour une cérémonie au Panthéon puis est porté par six soldats dans une chapelle ardente au premier étage de l'Arc de Triomphe, avant d'être définitivement inhumé sous la voûte de l'Arc le 28 janvier 1921.
12/11/2010.